S'il n'existait pas il faudrait l'inventer
J'étais alors tout adolescent. Je découvrais le rock, c'était enivrant. Je ne savais plus où donner de la tête et passais mes journées et nuits scotché à mon baladeur. Dépourvu de la moindre culture et surtout d'internet je naviguais au hasard de mes découvertes, m'appuyant essentiellement sur les disques que me procurait mon entourage, passant du coq à l'âne sans le moindre scrupule.
Pourtant, au milieu de ce flou artistique, se dégageait une certitude inébranlable acquise lors de moult discussions enflammées avec les incultes de mon espèce : tu ne peux prétendre aimer cette musique si tu n'as pas compris les Beatles. Il me paraissait simplement inconcevable de ne pas aimer les Beatles.
Impulsif et prompt à l'engagement, me voilà craquant ma bourse pour investir sans hésiter dans un pack de 15 CD vierges afin que l'heureux possesseur de la collection la plus complète à ma connaissance puisse gracieusement me transmettre la majeure partie de l’œuvre du groupe anglais.
Inutile de préciser que l'excitation était à son comble au moment de me lancer dans l'écoute de ces précieux morceaux qui allaient, à coup sûr, changer ma vie.
Déception. Impossible d'accrocher, de trouver un fil conducteur. Encéphalogramme plat.
Serait-ce le syndrome de la sur-vente? Nous connaissons tous une de ces œuvres dont on nous a dit tant de bien qu'il en devient impossible de l'apprécier vraiment.
Peut-être le vrai problème était-il que la quantité d'albums que j'avais obtenus en une seule fois m'empêchait d'apprécier réellement un seul d'entre eux. Les méfaits d'internet avant même son arrivée dans mon foyer. Voulant à tout prix m'enrichir et tout découvrir, je ne prenais pas le temps de m'investir concrètement dans quoi que ce soit. Belle leçon en soi qui peut aisément dépasser le simple cadre de la musique. Je me suis promis depuis de donner leur chance à toutes mes découvertes. Car si j'ai pu balayer négligemment autant de chefs d’œuvres en une seule fois et manquer de passer à côté de tant de talent, rien ne me garantit que je ne recommencerai pas, éclipsant bêtement le prochain album majeur de la décennie au détour d'une playlist Jamendo. Il va s'en dire que mon entourage fait les frais de ce vœu pieu tant il est avéré que l'album majeur de la décennie ne se cache pas derrière chaque playlist Jamendo...
Puis un beau jour est arrivé le bel album blanc. Qui pour le coup n'était pas plus beau que blanc puisque vulgairement gravé sur deux CD gris. Qui sait pourquoi il n'avait pas pris plus tôt le chemin de mon cher baladeur. Ils ne se sont plus quittés après cette rencontre, enchainant les rotations à n'en plus finir. Enfin. J'avais compris. Il était temps. Comme une évidence, l'enchainement des titres tous plus réussis les uns que les autres, portés par la voix unique de Lennon, s'est imposé à moi. Les multiples écoutes ont eu raison de ma minable copie mais pas de mon engouement pour le disque. J'ai donc craqué à nouveau ma bourse, la pauvre, pour me procurer l'original et poursuivre l'aventure.
Il y a énormément à dire sur le contenu musical du White Album mais peu qui n'ai déjà été dit. Bien au delà de ses nombreuses qualités, longuement développées dans les mille-et-une critiques de celui-ci, il représente pour moi le véritable tournant qui m'a permis d'appréhender l'incroyable œuvre des Beatles et, par la suite, tout l'univers du Rock.
L'influence de ce groupe sur les générations suivantes est telle que l'on retrouve immanquablement un peu de leur musique chez chacun de leurs successeurs. C'est certainement à ça que l'on reconnait un grand artiste. Ou peut-être est-ce à sa capacité à influer subtilement sur la vie des gens?
Il était en effet inconcevable de ne pas aimer les Beatles.
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