L'incident du 11 Septembre ayant décidé le chanteur à transmettre un message aux gens en faisant autre chose de sa vie que bosser pour Cartoon Network - cela dit ses récentes bandes-dessinées sont honnêtes - ou glander dans un fauteuil avec son frangin bassiste pareillement névrosé, son plan de départ prévoyait d'abord une naissance avec le discret I Brought You My Bullets, You Brought Me Your Love ouvrant sur l'adolescence (et ses problèmes) en l'objet d'un violent Three Cheers For Sweet Revenge plein de rage qui aura permis l'avenant d'une production plus solide ainsi qu'une reconnaissance accrue, l'évolution du groupe trouvant de fait sa logique conclusion par une mort en paradoxe à une consécration plus mondiale représentée elle par le disque dont il est ici question, dont le titre de travail (selon Gerard) a longtemps été The Rise And Fall Of My Chemical Romance... À-propos n'est-il pas ?
Et si leur premier essai amateur s'est voulu très (très) vaguement grunge par ce son instantané grésillant, une technicité incertaine et un propos sans fioritures accompagné d'une rythmique droite mais non sans surprises, ce troisième effort est son exacte opposé.
Orchestrale, grandiloquent, riche... il recèle nombre de compositions mélodiques puissantes flirtant avec l'épique dont on ne peux éventuellement que déplorer cet engorgement de cordes dansant un bal de saturation, la sobriété n'ayant pas été le maître mot cet opéra rock n' roll foisonnant de multiples pistes sonores aux arrangements plein d'envolées stylistiques soutenues par des guitares aussi nombreuses que décomplexées, donc, et une voix ! Sûre, moins incertaine, désireuse de faire les choses bien et s'affirmer copieusement dans un contexte propice à la poésie autant qu'à la rage, au sérieux autant qu'à l'exubérance.
Parce que c'est aussi cela, The Black Parade, un prétexte à une musicalité laborieuse ou rien n'est jamais de trop. Que ce soit en terme de performance vocale, le registre de Gerard s'étant élargi, qu'au niveau d'un son toujours plus expressif se voulant l'ultime démonstration de leurs talents respectifs aux membres d'un groupe qui atteint son firmament dans la plus grande démesure.
Celui de son leader surtout, dont l'envie première était de mettre un terme à la formation après cette offrande qui concluait une démarche réfléchie dès l'aube de My Chemical Romance par la mise en avant de ce qu'il lui restait de démons personnels à extérioriser, cette parade noire se voulant l'aboutissement d'un projet, d'une idée !
Avec cet album aux nombreux textes métaphorique, Gerard Way en terminait avec ses questions existentielles et ressuscitait en tant qu'homme. C'est d'ailleurs tout le message sous-jacent qui parcours le disque, de ''La Fin'' jusqu'aux ''Derniers Mots''.
Aussi comprend-t-on mieux la raison du semi-échec que représentera son successeur, DANGER DAYS, malgré une conceptualisation fort sympathique et un fond intéressant qui manqueront hélas de conviction, simplement parce que personne n'y croyait vraiment.
Emporté par un système dans lequel doit s'impliquer tout artiste devenu populaire pour des raisons variables, certaines douteuses, ils accoucheront de cet enfant non-désiré. Pas mauvais, mais pas aussi organique que l'était son aîné.
Pour faire concis (et économiser une critique), oui DANGER DAYS est électrique, oui il y a du fun (involontairement poussif parfois et cela s'entend) et oui il entrait dans l'air du temps avec toutes ces embrouilles électroniques sans intérêt. Mais tout ceci n'offrait finalement aucune plus-value à une oeuvre complète devenue bancale.
Les producteurs voulaient de l'argent, sécher le groupe jusqu'au moindre profit et ce fut fait. Las, le quintet sauvera l'honneur en cessant toute activité commune pour achever leur carrière par l'ultime inédit Fake Your Death, fort joli.
Le ton doux-amer de cette rupture aura toutefois amoindri l'impact voulu théâtrale de la dissolution, terni la vision de Gerard qui s'en remettra d'ailleurs difficilement ! Parade était un adieu, malheureusement allongé contre son gré. Bien dommage.
Mais je vous vois venir. Et je ne vous contredirait pas. Non, My Chemical Romance n'est pas un grand groupe. Toutefois pas dans le sens où on l'entend communément.
Il y a avait toutefois une ligne directrice derrière, de belles thématiques puis un son énergique pas forcément linéaire (How I Disappear, Famous Last Words, I Never Told You What I Do for a Living, Demolition Lovers, Welcome to the Black Parade...).
Même en omettant combien le très doux et empathique Gerard aura oeuvré dans un but noble (celui d'être là voix des meurtris), il faut passer outre le fait que c'est juste de l'Emo grotesque (supposée) mettant en scène une bande de gamins frustrés sans talents. Parce que si The Black Parade n'est pas une oeuvre majeure de la musique sinon de la "nouvelle génération silencieuse" qui s'en souviendra longtemps, ni un compte-rendu artistique de cet art dans toute sa noblesse, il n'en demeure pas moins un album sincère et les gars derrière d'honnêtes musiciens (si, j'ose le dire) dont l'alchimie ne peut être remise en question à l'écoute de ce défouloir qui tabasse, doté d'un concept abouti qui n'a aucune autre prétention que de défendre son propos par une musique franche, volontaire...
Et je respecte cela, d'où cette critique.
Je me sentais d'humeur à les soutenir moi, ces braves types.