Le Blues du Dimanche 3
Tu ne vis pas au début du XX ème siècle. Tu n'es pas noir ( ou peut-être que si, ce qui ne gâche en rien ta valeur intrinsèque). Tu ne passes pas 18 heures dans un champ de coton à te faire tanner...
le 6 oct. 2013
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Tout bluesman, qu'il frotte, pince, frappe ou souffle avec son instrument, est considéré par lui et par ses pairs comme un enfant du Diable. Un pêcheur invétéré. C'est là une légende qui poursuit les bluesmen, incompris à leurs débuts du fait d'une trop grande différence culturelle.
Mais si, au-delà de la légende, il en existait un qui avait vraiment vendu son âme au Diable ?
La vie de Robert Johnson, brumeuse et décousue, traîne plus souvent du côté de la légende que de la réalité. De sa naissance à sa mort 27 ans plus tard, seules quelques traces restent de son passage sur cette terre. Une date de naissance incertaine, un nombre de pseudonymes à n'en plus finir et une tendance à vivre sur la route laissent planer le mystère sur son destin.
Chanteur occasionnel de blues, de chansons païennes, tout bascule quand sa femme meurt en couche. Voilà ce qui arrive quand on vend son âme au Diable en déviant du répertoire religieux. Johnson le prend comme un signe et décide de devenir un musicien itinérant.
La légende retiendra avant tout une chose. D'un musicien médiocre selon les dires de Son House, Johnson est devenu en un clin d'oeil un magicien de la guitare.
Une explication à cela : à la croisée de deux chemins, une nuit, Robert Johnson a vendu son âme au Diable. C'est lui qui a accordé sa guitare, joué quelques instants avec, puis lui a retournée. En échange, la virtuosité, le talent, la mélodie, tout lui fut accordé.
Dans ce pacte Faustien avec le Diable, Johnson a perdu son âme au profit d'un blues qui l'a rendu célèbre, d'une capacité à capturer son audience avec sa guitare.
C'est à la croisée des chemins que se trouve la sagesse, c'est ici que les décisions se prennent. C'est ici que Robert Johnson est devenu un maître.
Le Diable en a fait le plus grand bluesman de l'histoire.
Certains disent que cette rencontre a eu lieu dans un cimetière. D'autres qu'elle ne s'est jamais produite. Mais peu importe la réalité, seule la légende reste, et avec elle cette rencontre nocturne en rase campagne, ce pacte avec le malin.
C'est grâce à lui qu'il a pu sillonner le pays, depuis le delta du Mississippi au Canada, en passant par New York, le Texas... Grâce à lui qu'il a acquis cette faculté à immédiatement reproduire n'importe quelle chanson, à exceller dans d'innombrables styles musicaux, à faire fondre les femmes. A les manipuler peut-être, qui sait l'étendue des pouvoirs qui lui ont été conférés. C'est ainsi que Robert Johnson a traversé l'Amérique et l'histoire de la musique, impalpable, comme s'il n'était pas de ce monde. Peut-être est-ce là la raison pour laquelle il était solitaire. Un homme ayant pour seules faiblesses le whisky, les femmes, et son engagement pour la route.
Difficile de démêler la légende des faits, mais peu importe. Si pour certains, la légende contrairement au mythe se base sur des faits réels, elle signifie avant tout "qui mérite d'être lu". C'est le cas de l'histoire de Robert Johnson.
Désespéré, en quête de solutions, Johnson a fait un choix à la croisée des chemins. Celui du blues, celui de la musique. Peu importe le prix à payer, sa route était ensuite tracée.
Génie du blues, compositeur brillant, guitariste virtuose, Johnson a initié un chemin en cette nuit-là. Nombreux sont ceux ayant marché dans ses pas.
Mais une telle récompense se paie au prix fort. Une mort obscure, à l'âge de 27 ans, laisse ressurgir l'idée que rien n'est un accident. Le Diable est venu reprendre son dû. Un pacte est un pacte.
Après sa mort, sans doute a-t-il fait face à un nouveau carrefour. D'un côté le paradis, de l'autre l'enfer. Après avoir vendu son âme au Diable, les portes du paradis lui étaient évidemment fermées.
Qu'importe si c'est en enfer qu'il a sa place, il le savait. Il l'a choisi. Dans une ambiance de soufre, derrière la fumée et les flammes, il continue à jouer pour ses pairs, les âmes damnées. C'est Dieu qui doit avoir le blues.
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le 1 déc. 2015
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