Un retour inespéré

Si hier on m’avait dit que je me remettrais à kiffer du Eminem, je n’y aurais pas cru. Allez donc lire ma critique de Revival, on voit clairement que j’avais perdu tout espoir. Ça fait longtemps maintenant que je suis l’artiste d’assez loin, la faute aux nombreuses déceptions accumulées année après année. Disons que depuis Relapse, le seul album pour lequel j’avais pris du plaisir, c’était Kamikaze. Un album bizarrement fait, pondu rapidement, comme une réponse aux bides qu’il s’était mangé, dans lequel Em proposait des prods sèches et un flow hargneux. Un album passé inaperçu donc, mais dans lequel on l’entendait de nouveau rapper. Rapper, c’est-à-dire : proposer des flows puissants, variés, intéressants.

Avec Death of Slim Shady, c’est encore mieux. En plus d’avoir retrouvé sa hargne et abandonné cette espèce de flow mitraillette nasillard auquel on a eu droit trop longtemps, il a retrouvé son gout pour les bonnes prods. C’est simple, le début de l’album c’est un pur kiff. Alors attention hein, rien qui n’égale son début de carrière. Les titres comme Business ou Evil Deeds sont loin. Mais disons que face aux trucs désagréables des derniers albums, ce début-ci fait vraiment plaisir à entendre. Même si rien n’est vraiment majestueux, je trouve qu’il y a entre Habits et Road Rage un enchainement accrocheur. Sa façon de poser sur les sons, la variété de ses intonations, l’intelligence discrète des instrus qui savent de nouveau porter son style, puis cette façon qu’il a de faire basculer les morceaux, d’offrir des parenthèses où sa voix s’apaise ou s’enrage plusieurs fois au sein d’un même titre, c’est tout ce que j’attendais de lui. Même un titre comme Brand New Dance, qui n’a rien d’une grande chanson, arrive quand même à ressusciter son style d’antan – apparemment son écriture date de Encore, j’ai l’impression que l’enregistrement aussi.

Mon moment préféré de l’album, celui où je me suis dit « ah ouais cool quand même » c’est le dernier couplet de Habits. "Mam shaming, dad shaming, ah…Fat shaming, man-splaining, blah". Ce petit moment-là, ainsi que le titre Evil dans son ensemble, ce sont les deux moments précis où je me remets à croire au talent d’Eminem.

Dommage alors que les feats de l’album soient si peu remarquables. Perso tant qu’à ressusciter le passé, j’aurais bien entendu 50cent sur l’instru de Lucifer, elle sonnait pour lui (après tout, il fait bien revenir son vieux pote Bizarre). J’aurais même envie de dire qu’aucun feat n’aurait été nécessaire sur un tel projet. Que la mise en scène autour de la résurrection et la mort de Slim Shady était suffisante pour créer ce dialogue, concept qui cimente tout l’album et qui permet d’amener un feat continu entre Em et Shady, ce qu’il fait ici de manière intéressante.

Après voilà, l’album est loin d’être parfait. Par deux fois, Eminem veut nous faire des titres tire-larme, par deux fois il se rate. Temporary et Somebody Save Me ont le gout de toutes les soupes pops sirupeuses qu’il nous cuisinait dans ces derniers albums. Et on peut dire globalement que la fin de la tracklist fait retomber la sauce. On est donc vite retenté de la relancer depuis le début pour revenir au meilleur.

Désormais c’est tout ce que j’attendrai d’Eminem. Je sais bien que jamais je ne retrouverai l’esprit de ses premiers albums, et ce n’est pas ce que je demande. Mais si de temps en temps il peut nous pondre des sons amusants comme ceux présentés ici, même si ça ne réinvente rien, ne révolutionne pas son art, moi ça me va. Ce sera toujours mieux que Revival.