If there's an end, there's a beginning.

Mettez l'album éponyme du groupe au poète maudit dans votre tourne-disque, votre chaîne hi-fi, ou écoutez simplement sur votre téléphone, ça n'importe peu (même si je suis un puriste qui préfère le vinyle), et fermez les yeux. A présent, préparez vous pour un voyage sensoriel ; oui je dis bien sensoriel car l'on verra que l'ouïe n'est pas le seul sens stimulé.

Mais avant, revenons en arrière. En 1967, la scène britannique domine l'industrie musicale avec des géants comme The Beatles ou encore des étoiles montantes tels que les Pink Floyd, The Velvet Underground, David Bowie ou Led Zeppelin, et aux États-Unis - et surtout en Californie - on manque d'un son propre à nous, qui fait penser au soleil, à la liberté, et ainsi naquit le rock californien grâce aux Beach Boys, précurseurs du genre mais surtout aux Doors qui apportèrent une légère goutte de psychédélisme.

Jim Morrison décide avec ses amis Ray Manzarek, Robby Krieger et John Densmore de se lancer dans cette industrie musicale californienne naissante en trouvant rapidement leur style mélangeant blues, psych rock (encore non défini) et rock. Ainsi accompagné des claviers de Manzarek, de la guitare de Krieger et de la batterie de Densmore, ils jouent d'abord dans les petits bars branchés de Los Angeles tels que le Whisky-a-Gogo pour tenter de se faire connaitre, et un soir d'Aout de 1966, un morceau qui changea à jamais l'histoire du Rock naquit.

Morrison, qui arriva en retard et sous acide est forcé par ses camarades à monter sur scène - pour ce qui sera leur dernier concert dans ce bar - et de jouer leur dernière création, The End. Morrison tient à peine debout mais arrive par miracle à assurer le show, et à la fin du morceau, les autres membres qui voient le bout du tunnel se sentent soulagés sans savoir ce que Jim a derrière la tête ; il commence à improviser, John, Ray et Robby tentent tant bien que mal de suivre ce qu'il entreprend, et le passage mythique œdipien de The End est né. Le propriétaire du bar est offusqué et jette le groupe à la porte, et le trio est remonté contre Jim qui en rit.

Cependant, la lumière leur sourit puisque quand ils pensaient avoir tout perdu, ils ont au contraire tout gagné ; un producteur se trouvait dans la salle et veut faire signer les Doors pour 3 albums.
Peu de temps après, le groupe est en studio et enregistre ce qui deviendra la signature du groupe, leur album éponyme, un album de légende est né.

Pendant 44 minutes, nous sommes appelés à découvrir ces sonorités si étranges (pour l'époque) mais si envoûtantes, qui nous propulsent dans un voyage sensoriel sans précédent. Entre les morceaux dansants et provocants comme Break on Through, Soul Kitchen ou Light My Fire, les morceaux bluesy comme Alabama Song, Back Door Man ou End of The Night ou bien sûr le très psychique The End, tout, je dis bien tout est fait pour nous accompagner dans ce voyage.

Le trio Krieger/Manzarek/Densmore est à l'écriture musicale et laisse libre champ à Morrison pour se concentrer sur les paroles, qui aimait tant provoquer en nous parlant des femmes, de l'alcool, du sexe et bien sûr des drogues (notamment le LSD), et la maison de disque qui sent le succès arriver leur donne carte blanche.

Musicalement, rien n'est laissé au dépourvu, les solos de piano et de guitare (pas si simples même s'il est commun de penser le contraire) accompagnés de ce rythme de batterie simple (et efficace) et de la voix chaude et envoutante de Morrison donnent cet album qui musicalement et lyriquement choque et passionne le monde entier. Après plus d'un mois d'enregistrement, l'album est complété, prêt à être commercialisé et bien sûr, c'est un succès direct et les Doors acquièrent une notoriété grandissante et ce n'est pas un hasard, car au fond ce que cet album nous laisse voir, c'est l'amour que Morrison porte à la démesure, à la désobéissance, lui qui avait un père militaire, ce que la jeunesse californienne cherchait tant et voyait dans le Roi Serpent.

Maintenant dites mois si quand vous écoutez l'album et que vous fermez les yeux vous ne voyez pas ces images tournées en Super 8 de la Californie, les palmiers, le surf et les jolies filles en bikini, et si vous ne comprenez pas l'album, ce n'est pas grave, car au fond c'est peut être ça l'esprit des Doors et de Morrison ; même 50 ans après, être incompris et intemporel.