The Doors
8.3
The Doors

Album de The Doors (1967)

D'abord, il marche.

Un maniérisme chaloupé qui l'oblige à poser un pied devant l'autre en un léger déhanchement.
Un peu frimeur.
Un peu félin.
Funambule.

Le regard est assuré. Son sourire est timide. Charmeur.

Personnage libre et léger, angélique et antique. Il sait qu'il est capable de tout donner sans retour et sans limites par amour de la vie.

D'abord, il marche.
Capable de lourdeur, il est un peu maladroit et parfois gauche. Il sait qu'il peut tomber de haut.
De basculer dans le vide
Funambule.

Son regard est celui d'un enfant qui rêve encore aux indiens.

Personnage timide et grave, démoniaque et moderne. Il sait qu'il est capable de tout donner sans retour et sans limites.
Par amour de la mort.

Ensuite, il voit.
Oedipe extra-lucide, il voit loin avant d'être aveuglé par les lumières des flash et de finir grand brûlé par les feux de la rampe.
Pour l'instant il voit son destin dans les voies de Los Angeles.
Cul-de-sac.
Cul-sec.

Il n'est plus seul. Ils sont quatre et se font appeler The Doors.

C'est sur la scène du Whisky-a-go-go que le groupe va forger sa réputation.
La rumeur se propage comme une trainée de poudre, tout Los Angeles se presse de voir le show.

Ce soir-là, ils sont tous défoncés et le chanteur bien plus que les autres. Les effets du LSD se prolongent et prolongent la chanson The End. Ils ne sont plus tout à fait présents.
Quand le chanteur déclame dans une improvisation vaguement freudienne :

"Father/Yes son/
I want to kill you/
Mother/
I want to fuck you"

Cela déplaira au Whisky, le groupe est renvoyé.
Il signe dans la foulée un premier disque éponyme avec Elektra.

L'album est à l'image du groupe : un amalgame de brics et de brocs, de rêves et de délires narcotiques sublimés par une tendance à une liberté obséquieuse qui les confine à tout jamais dans la légende du rock.

La musique des Doors se reconnait entre mille. Du plus ouvragé à l'improvisation, ils sont alors entourés d'une aura et diffusent comme un encensoir des mélodies rythmées, de la spontanéité, des parfums et des mystères.
Chaque chanson recèle son secret et son énigme, ce qui amènera le public, et Jim Morrisson lui-même, à croire qu'il s'agit de poésies
Les textes sont surtout surprenants, le style est novateur, mystique. L'esprit colle parfaitement à cette nouvelle ère, une façon de voir le rock différent. C'est sûrement en cela que le groupe participe à la contre-culture.

Ce premier disque n'est pas le plus abouti, il est le plus instinctif. des arrangements minimalistes, des mélodies entraînantes. Un rock atmosphérique : lignes de basse entêtantes et petits éclats d'orgues comme autant de particules de cristal, une guitare nerveuse à l'accent espagnol, une batterie légére aux sonorités jazzy et la voix fascinante du chanteur à la fois récitant et crooner.

Dans ce disque tout est fait pour fonctionner, les chansons sont courtes, taillées pour le succès radiophonique. Le premier titre (1- Breack on throught) aurait pu être de celles-là. En invitant l'auditeur à prendre son pied par l'usage de Lysergsäurediethylamid, le titre sera censuré.

Le succès viendra de la lumière et du feu (6- Light my fire). Une composition de Kriegger, véritable hymne des Doors aux soli de guitare et de clavier flamboyants, qui les conduira sur les sentiers de la gloire.
Morrisson n'aura plus qu'à faire son numéro.

Et le numéro, c'est 11.

(11- The End ), 11 minutes. La chanson ne tient qu'à un fil, on le sait dès le départ.
Une atmosphère inquiétante qui retombe doucement sur nous comme un lourd brouillard. Sommes-nous à ce point défoncés ?
Une furie soudaine et mal contrôlée, nous tire de la torpeur. 11 minutes d'improvisation totale, où les musiciens découvrent en même temps que nous les détours et recoins possibles du texte, sous la direction possédée de Jim Morrisson.

Les Doors ne sont rien sans Morrisson et Morrisson pas moins sans les Doors.
Quelques soient les hauteurs à laquelle le chanteur pouvait s'élancer, il savait que Kriegger, Manzareck et Densmore seraient là pour le rattraper.
Après, c'est une question de choix.

D'abord, il marche.
Si tout est une question de démarche alors la sienne traduit littéralement la démarche de l'artiste.

Une marche funèbre.
Ramblinrose
10
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le 24 déc. 2011

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Ramblinrose

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