The Eventually Home par Samsara
Il est de ces albums dont on sait dès les premières notes jouées, les premiers mots murmurés, qu'ils auront leur place au panthéon des grandes découvertes personnelles. The Eventually Home fait partie de ceux-là, de ceux que je pourrais abandonner à la poussière d'un placard sombre et ressortir bien des années plus tard sur un coup du sort ou poussé par la nécessité et ressentir exactement les mêmes sensations qu'au début; à ce moment précieux et éternel où j'ai collé mon casque sur mes frêles esgourdes et ai fébrilement appuyé sur le bouton lecture...
Et les sensations, justement parlons-en, puisqu'au fond il ne s'agit que de cela. Andy Hull, en explorateur impénitent de vastes contrées aussi lointaines qu'inexplorées pour le commun du monde m'a embarqué avec lui sur un navire rempli de la cale au pont d'une élégie spectrale, comme si notre vaisseau, hors des époques et des territoires conquis, s'était fait surprendre par une des ces tempêtes des grands larges qui peuvent parfois transformer le plus fier des bâtiments d'exploration en un enchevêtrement confus de lambeaux et brisures de bois semés aux quatre vents.
En bon capitaine, Andy n'abandonne pas son navire, son équipage non plus. Errent alors là, survolant lascivement la surface de l'eau, autant de silhouettes fantomatiques que la mélancolie semble recouvrir d'un voile tiède et diaphane, silhouettes fugitives des hommes qui ont offert leur vie au large, à leurs passions perdues et à la mesure du temps. Au centre des ombres, un autre homme, bien vivant celui-là. Mon capitaine, barbe hirsute et guitare à la main, entonne les chants oubliés que ses gabiers fredonnaient de la cime de leurs mâts.
La terre, ils ne la voient plus désormais. Moi non plus. Et Andy, lui, de sa voix tantôt lancinante, tantôt brumeuse, mais toujours sublime, nous conte une histoire de voyage et d'hommes dont personne ne s'est sorti vraiment indemne. Une de ces histoires comme un de ces albums qui laissent leur empreinte dans la marche du temps, dans la profondeur de l'être, dans le murmure presque imperceptible d'une houle à présent éteinte.
Ce n'est au fond qu'une affaire de sensation. Celle de croiser le sillage d'une oeuvre aussi somptueuse que fine et parfaitement maîtrisée de la proue à la poupe ne laisse aucune espèce de forme de doute et si comme le disait feu Wagner, si le pouvoir de la musique commence là où s'arrête celui des mots, alors il n'y a guère plus à dire à propos de cette finale - et éternelle - demeure...
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