Pour sa troisième collaboration avec Darren Aronofsky, Clint Mansell s'entoure de l'ensemble Kronos Quartet (comme pour Requiem for a Dream) et du groupe post-rock Mogwai, deux formations qui se mettent entièrement au service de la vision du compositeur et lui font bénéficier d'un large éventail de possibilités musicales. Il s'agit alors pour lui d'expérimenter la fusion des genres, les deux équipes d'interprètes ayant été enregistrées à des moments différents sans que chacune ait forcément conscience du travail de l'autre. Au paysage sonore d'une bande originale classique (cordes et piano) se greffe quelque chose de sale et organique, une puissance mystique envoûtante qui dynamite les accès de mélancolie minimalistes ponctuant l'album.
Le premier titre, « The Last Man », est ainsi très dépouillé, évoquant un triste océan de regrets, mais Mogwai façonne dès le morceau suivant (« Holy Dread! ») un crescendo électrique aboutissant à un imposant mur sonore, avant que le voyage prenne des accents orientalistes sur « Tree Of Life ». L'idée de quête est ostensiblement le motif principal de la musique que Mansell compose ici, avec d'un côté ce à quoi le personnage principal tente d'échapper (la mort et les regrets) et de l'autre ce qu'il tente d'atteindre (l'immortalité), d'où une alternance entre moments de calme et de tristesse, où le piano et les cordes ont une place prépondérante, et fulgurances rythmiques, qui voient tous les instruments s'emballer, violons, guitares et percussions au diapason, jusqu'à ce que The Fountain prenne un tour épique. « Death Is The Road To Awe », qui accompagne le climax du film, se révèle alors être la pièce maîtresse de l'album, un voyage spirituel et cathartique convoquant chœurs et sons stridents, qui gagne à être suivie par le mélancolique « Together We Will Live Together », un répit fonctionnant comme miroir du tout aussi sobre premier titre.
Plutôt qu'un assemblage de dix instrumentaux, The Fountain pourrait être considéré comme une seule longue pièce musicale tant la progression mélodique est cohérente et fonctionne indépendamment du film, avec sa propre dramaturgie. La collaboration entre trois artistes aux parcours différents était, à l'image du long-métrage, ambitieuse, mais le résultat est tout aussi généreux, la surcharge baroque évitant l'indigestion qu'on pouvait craindre pour au contraire exercer la fascination espérée.