Dis bonjour au pic vert !
Presque dix ans d'attente. Putain, dix ans. En 2005, Subterranean Masquerade avaient marqué un grand coup d'éclat avec Suspended Animation Dreams, un album d'une richesse et d'une subtilité remarquables, d'un genre musical tout à fait nouveau. A mi-chemin entre la comptine, le blues et la musique de chambre, avec une légère mais poignante dose de metal, SAD était ce genre d'OVNI qui donne aux idées les plus improbables, aux innovations les plus audacieuses, une apparence d'évidente simplicité. Les guitares saturées et le chant guttural "growl" se mêlaient tout en délicatesse, presque avec volupté, aux violons et au piano, aux choeurs et aux guitares sèches. Le tout allait et venait, évoluant d'un style et d'un ton à d'autres en toute harmonie, comme naturellement. Du miel pour les esgourdes, je vous dis. Autant dire que la barre avait été placée très haut (il fait pas partie de mon Top 10 pour rien, le loustic) et que l'on attendait ce Grand Bazar avec un coeur gros comme ça, plein d'espoirs mêlés d'inquiétude.
Dire que The Great Bazaar égale son grand frère serait exagéré. Déjà parce que, évidemment, il n'a pas vraiment le facteur nouveauté avec lui, il ne réinvente pas une nouvelle fois le Metal progressif, et on se sent donc un peu en terrain connu. Ensuite parce que la variété et la finesse de l'écriture se sont un peu amoindries. Suspended Animation Dreams était le fruit d'un groupe "studio-only", susceptible de démultiplier les instruments sur de longs morceaux relativement complexes. The Great Bazaar, au contraire, a été conçu dans le cadre d'un line-up plus classique, capable de jouer en live, et donc avec une instrumentation plus restreinte et des morceaux plus courts et plus proches d'une construction rock traditionnelle (couplet/refrain). On y gagne en efficacité, mais on y perd en surprise.
Pour autant, ce nouvel album ne souffre pas réellement de la comparaison. On retrouve l'excellence des arrangements harmoniques (deux voix, deux à trois guitares, un orgue, j'en passe) et la fluidité remarquable des transitions de mouvement en mouvement. Ce que Subterranean Masquerade sacrifie de sa liberté d'écriture, il le récupère dans la consistance de ses morceaux, qui se tiennent mieux ensemble et qui s'enchaînent parfaitement. Le tout s'oriente davantage vers un style "death mélodique" façon Opeth, mais s'appuye aussi avec intelligence sur ses origines israéliennes (à peine évoquées dans l'album précédent), et garde quelques moments de douceur feutrée pour rasséréner le fan grognon de la première heure (Specter). C'est limpide, c'est serein dans son excitation, c'est beau. Après un Home EP un peu branlant qui m'avait fait craindre le pire, ce Great Bazaar prouve à nouveau que Subterranean Masquerade est une formation unique au sein du genre Metal. Pitié, pitié, Tomer Pink et toute ta clique, ne nous faites pas attendre 10 ans de plus pour entendre la suite !
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