(Même pas honte)
Pas de doute, ce troisième album est sans doute le plus atypique dans la discographie déjà bien décalée de la belle anglaise. Mais quoi qu'on en pense, je trouve qu'il s'agit ici de son plus beau joyau. Irrégulier, imparfait, mais totalement à fleur de peau.
On avait beaucoup reproché à Two Suns de trop ressembler à son grand frère Fur & Gold, aucun risque ici. On retrouve toujours des morceaux-signatures comme Laura et son piano-voix classique mais efficace, Horses of the Sun ou A Wall, mais l'album renferme aussi pas mal de magnifiques expérimentations : entre Oh Yeah (rien que le titre interpelle), ballade mystique façon Siouxsie and the Banshees sous champignons, All Your Gold, single pêchu bardé de guitares impeccables, Marilyn ou Deep Sea Diver et leurs nappes électroniques tantôt étranges, tantôt lancinantes, on peut affirmer sans crainte que la nouvelle Natasha Khan est différente de la neo-hippie de Two Suns, (re)devenue un concentré d'ultra-féminité, quelque part entre Patti Smith et Kate Bush.
Le jeu des étiquettes est bien évidemment toujours particulièrement dangereux, mais impossible d'y couper sur le créneau de la pop féminine. Si je devais me risquer à une comparaison, je dirais que ce troisième album est très similaire au premier en matière d'ambition et d'expérimentation, bien qu'il y ait un monde entre les deux. La pochette, forcément, interpelle, mais je crois qu'on ne trouvera pas mieux pour décrire ce que l'on retrouvera sur ce CD : une chanteuse au naturel (surtout au niveau de la production sonore, carrément épurée, ce qui n'empêche pas la voix de la belle de continuer à me dresser les poils un peu partout sur le corps), et qui porte l'image de la Femme amoureuse en étendard (enfin, façon de parler).
Mon plus regret finalement est de ne pas retrouver la vibrance instrumentale des premières productions. La patte Dan Carey (Hot Chip, Franz Ferdinand) est bien perceptible (au niveau des rythmes et percussions notamment), et même si je n'affectionne pas son travail en temps normal, il faut avouer qu'il a effectué un très bon boulot, auquel la voix de Natasha Khan, plus simple, plus épurée, se conjugue à merveille. Disons qu'en-dehors d'une petite poignée de titres (Horses of the Sun et Laura, Rest Your Head, paradoxalement les plus "classiques") il manque un peu de la chaleur du premier opus, même si l'effet est recherché et fonctionne à merveille.
The Haunted Man reste cependant un album irrégulier, victime d'un petit ventre mou (le couple Laura - Winter Fields, plan-plan, pas forcément intéressant même si bien exécuté) et de l'irradiation de certains de ses meilleurs morceaux sur les suivants, plus classiques et donc plus rapidement passés à la trappe. Est-ce un problème gênant ? Question de point de vue : étant fan de la miss, même si je reconnais à Fur & Gold des qualités formelles indéniables, étrange de revenir sur cet album après avoir écouté des pépites comme le refrain épique de Lilies, les superbes paroles de All Your Gold, la randonnée mystique Oh Yeah à la densité étouffante, la beauté effarante du titre éponyme The Haunted Man, la fraîcheur de la ballade Marilyn, ou encore la ligne de basse lancinante de Deep Sea Diver. Une liste non-exhaustive de moments de bravoure qui ont ravivé mon crush sur la belle anglaise ; ça et une nouvelle coupe de cheveux qui je l'espère va cette fois-ci encore faire des émules.