The Life of Pablo par Strangeman57

 "The Life Of Pablo" est aussi agaçant que son auteur, l'égocentrique Kanye West, dont les moindres faits et twitts sont sur-commentés par toute la presse, aussi bien musicale que people. Bouffant de ses frasques à la pelle tout les jours, on en oublierait presque qu'il fait de la musique... enfin... si on peut appeler ça comme ça. Car depuis son précédent "Yeesus", l'auto-proclamé "rock star n°1 de la planète" s'amuse à déstructurer son rap, un peu comme Cap'tain Beefheart le faisait pour le rock à son époque. C'est par cette déconstruction qu'on passe du musical au non-musical ; de l'art contemporain en quelques sortes... "The Life of Pablo" me fait penser au plug anal géant planté place Vendôme par McCarthy en 2014. Genre, je me suis auto-proclamé "plus grand artiste de tout les temps", donc je peux faire ce que je veux, ça reste de l'art, la presse et le public sont avec moi.
 Vous l'aurez compris, je ne suis pas très art contemporain, mais ça se traduit comment dans la musique de Kanye ? Sans parler de l’omniprésence insupportable de minaudes auto-tunées, typiques du hip-hop moderne, ça se traduit par de bonnes idées coupées en plein milieu par une autre, comme une pute qui te chaufferait sans terminer son travail. Exemple : "Pt 02" part bien mais au bout d'une minute trente, sans transition, on coupe cet élan pour passer à tout autre chose, qui n'a pas forcément à voir avec le reste... Sans oublier ces titres où les refrains et les couplets ne se marient pas mélodiquement, semblant venir tout deux d'une chanson différente... Le côté "art moderne" se traduit aussi par ce minimalisme des instrus, parfois composé d'un seul beat(box) et d'une bass, ou pourquoi pas, juste d'un flow vocal sur "I love Kanye"... Ce minimalisme est parfois accompagné de son contraire, comme sur l'ouverture plutôt réussie "Ultralight Beam", où les chœurs détonnent par rapport au calme du reste de l'instrumentation. 

Beaucoup de pistes donnent donc l'air d'être de simples démos, des ébauches traînant sur disque dur qui auraient pu être d'excellents morceaux, si l'autre avait pris le temps de plus les travailler. Tout ça me fait penser au concert d'Eminem à Paris qui avait été critiqué en 2013 pour avoir joué ses plus grands morceaux dans un medley, les charcutant alors qu'on aurait aimé les entendre dans leur intégralité. Et encore, en live, avec un DJ, ça passe... mais là nous sommes sur un album, de 18 pistes qui plus est ! Où Kanye va les trouver ses grands morceaux fédérateurs à jouer sur scène ? Et bien, il peut les trouver aussi sur "The Life of Pablo" puisque contrairement à "Yeesus", l'auto-proclamé "nouveau Pablo Picasso" revient aussi un peu à la musique sur ce septième essai.

 Même si trop courtes ou trop longues, il y a de bonnes pistes rap sur "Life Of Pablo", surtout dans sa deuxième partie, en gros ; "Feedback", "Waves", le nostalgique "Real Friends", "30 Hours" et son vocoder relaxant, le très Dr Dre "No More Parties In LA"... et de quoi se composent ces meilleurs titres Kanye ? D'une bonne instru, d'une bonne boucle et de toi qui pose ton rap dessus ! Rien de plus ! Comme ce que tu nous sortais avant ! Pas la peine de te perdre dans des découpages fastidieux qui ressemblent pour la plupart du temps, à pas grand chose. Il y a même une tentative d'Electro-Dance sur "Fade", et c'est pas trop mal... même si pour ce genre de musique, ce n'est pas vers toi qu'on aura tendance à se tourner. Enfin, le moment le plus musical de tout l'album se trouve vers la fin de "Famous" (que j'auto-proclame, meilleur tube de l'album), où Kanye s'amuse avec un sample d'une chanteuse de ragga-muffin, de la même façon qu'il s'amusait sur (ce que j'auto-proclame aussi) son meilleur album "My Beautiful Dark Twisted Fantasy".

"The Life Of Pablo" est donc une belle odyssée rap, où Kanye se raconte beaucoup mais musicalement, il passe de l'insupportable à l'écoutable pour les raisons données ci-dessus, l'écoutable n'étant franchement pas aussi exceptionnel que certains veulent nous le faire croire. Le tout donne l'impression d'un joyeux bordel peu cohérent, à l'image de son esprit survolté. J'espère qu'il choisira la voie de la musicalité plutôt que de la déconstruction pour son prochain, dont la sortie est déjà prévue cette même année. On n'a pas fini de parler de ce "Dieu" auto-proclamé !

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