Il faut toujours se méfier lorsque Bowie commence par un titre fleuve (Station to Station, Blackstar...). C'est le signe d'un album sombre et personnel : "the monster was me..." Bowie se branche désormais sur l'électricité à l'aide de Mick Ronson et de Tony Visconti. Quelques sonorités troubles, avec le clavier Moog, le phasing sur la chanson titre, créent une ambiance singulière. Et ça balance neuf titres rock seventies bien foutus avec des obsessions vénéneuses : le thème du surhomme, la manipulation, l'androgynie (la pochette en robe, le titre d'ouverture), l'occultisme et la folie en particulier. Une de ses plus belles chansons pour finir. La version de l'album remixée par Visconti en 2020 et intitulée Metrobolist vaut largement le détour.
Dans le studio, le groupe expérimente des titres en jam sessions, des compositions électriques sur lesquelles Bowie pose des textes étranges, poétiques et torturés, reflets de ses tourments intérieurs. "En 1970, je deviens moi-même. Ce moi, à en juger par The Man Who Sold the World, est très perturbé. J’étais très préoccupé par l’état de santé mental de mon demi-frère Terry, qui était alors hospitalisé dans un établissement psychiatrique. Il était soigné pour schizophrénie et pour neurasthénie. Parfois, il venait passer un week-end avec moi. C’était très effrayant, car je reconnaissais chez lui certains traits de ma personnalité. J’avais la trouille de sombrer à mon tour dans la maladie, dans la folie… Mon écriture s’en est fortement ressentie…"Extraits du formidable entretien avec Jean-Daniel Beauvallet, à Londres en juin 1993, pour Les Inrockuptibles.