The Massacre
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The Massacre

Album de 50 Cent (2005)

L'exercice du deuxième album peut être vu comme compliqué. Faut-il rester dans la même veine que le premier si celui-ci a marché histoire de garder la sympathie des fans de plus en plus nombreux, ou faut-il jouer sur l'expérimentation au risque de perdre un auditoire mais de satisfaire une critique exigeante ? Les artistes de tout bord musical et de toute époque ont prouvé tout au long de leur carrière, que la musique n'était en aucun cas une science exacte. Beaucoup se sont retrouvés dans l'ombre après un premier album pourtant acclamé unaniment tandis que d'autres artistes ont su se trouver et proposer une véritable identité passé le deuxième, voire le troisième essai.

Mais que faire quand le premier album fut un succès interplanétaire, tellement grand qu'il a fait de l'artiste en quelques semaines une des célébrités les plus connues de la planète, et que d'un coup il envoie son propre style musical dans une autre galaxie ? Aller encore plus loin, essayer de toucher le soleil, quitte à en faire des tonnes. C'est ce que Curtis Jackson aka 50 Cent a du se dire lors de la création de son deuxième album, et ce qu'il a appliqué à la lettre. Après être devenus (très) riche sans avoir essayé de mourir, c'est à présent un massacre qu'il promet à l'annonce de son prochain album. Pas n'importe lequel, celui de la St Valentin, et censé sortir pour le coup le 14 février 2005. Comme quoi 50 Cent a toujours eu l'âme d'un romantique. Nul ne sait pourquoi il souhaitait s'attaquer à cette fête, même si celle ci est jugée commerciale par certains, le capitalisme n'est pas la chose que Curtis Jackson déteste le plus, au contraire. Peut être que sentimentalement à ce moment de sa carrière les choses n'allaient pas si bien que ça qui sait. Le mystère continue de plâner mais le titre lui, sera raccourci et appelé juste The Massacre. S'il y avait ne serait-ce qu'un petit concept derrière le nom d'origine, il aurait peut être était intéressant.

A la place, l'album explore les mêmes symboliques chères à l'artistes, comme le dollar-roi, le sexe facile avec des filles peu dociles, de bons égo trips et une mascunalité exacerbée. Cependant, comparé à Get Rich or Die Tryin' il y a deux ans, le côté gangster de la rue est abordé d'une manière différente; plus polie, moins sombre moins frontale. La raison principale est à chercher du côté des productions. Plus d'une quinzaine de beatmakers se poussent au portillon pour produire les 22 titres que composent The Massacre. Avec une telle équipe derrière les manettes, difficile de produire un rendu cohérent de bout en bout. Surtout quand le nombre de morceaux proposés dépasse les vingt titres. Chose que peu d'artistes comme Dr. Dre avec 2001 ont été capable de faire.

Dre justement, n'est pas si présent sur cet album que sur Get Rich or Die Tryin' et cela se ressent, même s'il reste au mix de la majorité de morceaux. Alors qu'avec son premier poulain Eminem et son Slim Shady LP, le producteur était resté un peu en retrait pour tout prendre en main dès The Marshall Mathers LP, l'inverse se produit sur The Massacre. Choix personnel de Fifty de s'essayer à autre chose ou envie délibérée d'Angre Young pour se consacrer à d'autres projets, il reste de cette semi absence du docteur un rendu final déséquilibré mais pas dénué d'intérêt. 50 Cent s'essaie à des productions plus soulful et il s'avère que son flow paresseux colle plutôt bien à ces nouvelles ambiances, comme sur "A Baltimore love thing", "Ryder music", "Ski mask way" ou encore "God gave me style". Il n'empêche que l'aspect pop de l'album est omniprésent et prend de plus en plus de place au fil de l'écoute des titres. C'était déjà bien sûr le cas sur Get Rich... où des titres comme In Da Club ou P.I.M.P. résonnent encore comme des tubes imparables, mais sur The Massacre, 50 Cent ne se cache pas et adopte son style selon l'instru, n'hésitant pas à chantonner, jouer avec la musicalité de sa voix. Il arrive à tirer profit de ce flow que beaucoup disent fainéant, ou peu technique pour rendre chaque morceau intéressant à l'oreille et jamais linéaire.

A l'heure actuelle où les fans de rap parlent de rappeurs qui chantent plus qu'ils ne rappent, Fifty maîtrisaient déjà une technique qui lui permettait de rapper sur n'importe quel style, avec une adaptation déconcertante. Pourtant, certains titres à l'inverse ne sont pas très inspirés et sentent plus le remplissage et auraient mérités d'être enlevés de la tracklist. "Build you up" par exemple ne sert qu'à rendre insupportable la voix aigue de Jamie Foxx tandis que les deux singles "Candy shop" et "Just a lil bit" frôlent l'auto-parodie et deviennent vite ennuyants après les avoir écoutés encore et encore. Mais encore plus qu'avec In Da Club ou P.I.M.P., ces deux singles sont poussés si loin dans le fantasme du gangster rappeur millionnaire qu'ils en deviennent sympathiques, mais plus pour le côté beauf que pour leur aspect purement artistique. Avec Get Rich... 50 Cent avait déjà fait entrer au niveau mondial cette image du rappeur noir accro à la gonflette avec la garde robe adaptée et au langage fleuri jusque dans les foyers de la middle class et a vu de nombreux jeunes blancs souhaitant s'habiller pareil. The Massacre finit le travail et confirme son image d'artiste rap populaire. Celui que les parents laissent la musique dans la voiture, achètent sans sourciller l'album à leur progéniture, et connaissent même le nom et à quoi il ressemble. Les voix du marketing semblent elles aussi impénétrables.

Car en dehors de sa carrière personnelle, 50 Cent commence à gérer un juteux business qui ne cesse aujourd'hui de lui rapporter gros. Si en 2005, le chien fou The Game a quitté l'aventure G-Unit, il est vite remplacé par la chanteuse Olivia, pas question de laisser son supergroupe aux millions de ventes prendre l'eau. Sans compter les nombreux contrats avec des boissons vitaminées, sa propre marque de vêtement G-Unit Clothing portée par toute une génération qui découvre le rap à travers ses titres et celui de son acolyte péroxydé Eminem et Fifty devient incontournable dans le monde entier.

L'image qu'il renvoie serait alors celle d'un rappeur mauvais garçon mais omniprésent ce qui le rendrait supportable voire aimé par ceux qui n'écoutent pas ou peu de rap. Pourtant derrière cette image, se cachent des paroles violentes, faites de fusillades, de meurtres et d'un passé de dealer de drogues. Mais le talent de Fifty est de les faire sonner autrement, ce qui permet de faire passer la pommade plus facilement à ceux qui ne sont pas attentifs. Seuls des morceaux comme "Gunz come out" avec ses bruits de douilles qui tombent au sol, de coups de feu et ses gros cuivres et produit par Dre, l'électronique "My toy soldier" avec Tony Yayo et "I don't need em" sonnent un peu plus dangereux, sans pour autant blesser.

Les paroles et le phrasé de 50 Cent sont faciles mais permettent à l'auditeur de rentrer encore plus facilement dans ses histoires et de suivre les faits racontés sans que ça soit trop compliqué. Il ferait presque oublier qu'il ne cesse de provoquer et insulter de nombreux rappeurs gratuitement sur une grande majorité des titres. Rien que sur "Piggy bank", l'artiste clashe Ja Rule, Jadakiss, Fat Joe, Shyne, Kelis, Sheek Louch, Cassidy, Lil' Kim et enfin Nas, rien que ça. Une attitude en rapport avec son statut de macho invétéré avec une street credibility a assuré, mais aussi aspect marketing assuré. Depuis les premiers beefs entre rappeurs, les querelles ont toujours fait vendre ou en tout cas parler. 50 Cent le sait bien, c'est pour cela que quelques années plus tard il lancera ce paris stupide à Kanye West sur lequel des deux vendra le plus d'albums. Le même Kanye West qui remportera, en 2005 cette fois, le Grammy du meilleur album de rap de l'année avec son Late's Registration face à The Massacre.

Sur disque, The Massacre n'en est pas vraiment un, se contentant de partir pour un virage pop et expérimental à quelques occasions mais possédant toujours cette musicalité et cette non-linéarité qui le rende bon à écouter de nouveau et à retrouver à chaque fois. Si l'aspect gangster est toujours présent dans les paroles comme dans les bruitages et certaines productions, l'effet est dissipé et ne paraît plus aussi dangereux que sur son précédent travail. Ce qui ne l'empêche pas de fournir de très bons titres comme "In my hood" et ses notes de piano savamment jouées, "I'm suppose to die tonight" et ses bruitages réussis, le plaisir coupable "Get in my car" et sa guitare à six notes qui rappelle "Automobile" de N.W.A. Si le résultat paraît lourd et déséquilibré aux premiers abords, l'album se laisse écouter sans trop de problèmes et sert de tremplin à un Fifty de plus en plus attiré vers la pop, comme il le prouvera dès son prochain album.

Le seul massacre de l'album est sûrement celui perpétré sur les charts. Numéro un du Billboard 200, il se vend 1. 14 millions d'exemplaires dans la première semaine, ce qui est la sixième meilleure performance de vente de tous les temps, juste derrière le blond de Detroit et ses The Marshall Mathers LP et Eminem Show. Curtis est aussi le premier artiste solo à avoir trois singles numéro un dans le Billboard Top 5 dans la même semaine, et atteint plus de 5 millions de ventes avec ce deuxième album. Et pour un homme qui s'appelle 50 Cent c'est plutôt signe de réussite.
Stijl
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le 29 avr. 2014

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