Étant trop jeune je n'ai jamais réellement connu les rockers qui jouaient pour "changer le monde", qui criaient à la révolte et disaient ce qu'ils pensaient sans arrière-pensée. Dans le monde d'aujourd'hui, aseptisé et accepté comme il est , là où la révolte semble de plus en plus vaine et où les rockers ne contestent plus grand-chose, heureusement que Neil Young est là.
Le Loner marche toujours, continue de dire ce qu'il pense et de protester, récemment contre les plates-formes numériques et, avec ce nouvel album, il part en guerre contre Monsanto, le géant américain de l'agroalimentaire et ses nombreux et puissants soutiens. À travers cette attaque, juste et nécessaire, il évoque surtout les maux de notre époque, la lassitude des gens, son amour pour la nature et ce, sans tomber dans la démagogie ou la facilité, mais toujours avec sincérité et envie de faire bouger les choses. Il faut donc attendre un rocker canadien de 69 ans pour attaquer justement et violemment le système...
Pour cela, il a choisi la compagnie d'un groupe de notre temps, Promise of the Real où l'on retrouve les deux fils de Willie Nelson et qui rappelle, toute proportion gardée, le Crazy Horse. Et la bonne nouvelle, c'est que la musique est à la hauteur des ambitions et le Loner signe un album réussi et cohérent. Il fait ce qu'il sait faire et rebranche les guitares électriques pour la grande majorité de l'album où seul la belle balade, et on est habitué, Wolf Moon, déroge à cette règle. L'ambiance générale est assez crépusculaire et les titres s'enchainent avec brio et dans la lignée de cette atmosphère, à l'image des très bons Rules of Change, Workin' man ou Monsanto Years.
C'est avec passion et talent qu'il se lance ensuite dans ces compositions rock à la sauce du canadien, c'est-à-dire toujours avec, entre autres, quelques touches plus folk. Il n'hésite pas à mélanger les tons, à l'image d'un New Day for Love aussi saturé que mélodique tandis qu'il sait se montrer inspiré et surtout efficace (à défaut d'être surprenant) à l'image des 8 minutes de Big Box où les choeurs viennent se mélanger à sa suite d'accords mineurs tranchants et électriques à souhait. Il se permet aussi un changement de ton avec le plus léger et savoureux A rock star bucks a coffee shop, emmené par des sifflements.
Après un mitigé A Letter Home et un excellent Storytone, Neil Young continue de parcourir les routes et il se pose ici en contestataire d'un monde qui ne tourne pas rond, et c'est avec intelligence, sincérité et force qu'il le fait et dans le même temps, il se montre toujours inspiré et efficace pour écrire et jouer ses chansons.