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Au fil des années, on se doit de reconnaître que les Pixies, soit quand même le meilleur groupe de sa génération (et oui, nous incluons Nirvana dans cette affirmation !), sont devenus un… « problème ». Depuis leur reformation, ils ont accumulés les albums variant du bon au moyen, sans jamais retrouver ne serait-ce que la moitié de l’étincelle de folie furieuse qui en faisait un groupe exceptionnel. Même chose pour leurs prestations scéniques, régulièrement gâchées par un son médiocre, mais surtout délivrées en pilotage automatique (même si, ces toutes dernières années, Black Francis a appris à dire quelques mots et à même sourire à son public) : on passe de bons moments avec les Pixies, mais on est à des années lumières des tueries radicales qu’ils nous offraient à l’époque de Surfer Rosa, Doolittle ou Bossanova. Du coup, même si on leur reste fidèle, on accueille toujours avec un inquiétude un nouvel album… Si Beneath The Eyrie avait pu être considéré comme une promesse d’évolution, celle-ci n’avait pas été tenue, et Doggerel s’était ensuite avéré un faux pas, un retour trop tiède vers un territoire déjà (trop) bien quadrillé par le groupe.

Leur nouvel album, The Night the Zombies Came, le dixième – et le cinquième depuis leur reformation – pourrait toutefois marquer une sorte de carrefour dans leur trajectoire. Est-ce à dire que, vingt ans après leur retour, Black Francis et ses acolytes, ont enfin trouvé une recette acceptable leur permettant de concilier la nécessité d’évoluer avec l’incurable nostalgie des fans (et surtout de ceux qui sont trop jeunes pour avoir vu le groupe à ses débuts !) ? Ce n’est pas tout à fait certain, même, si, comme avec Beneath The Eyrie, on a le sentiments avec ce disque d’un pas de côté, salutaire… A défaut d’un grand pas en avant…

Dès les premières notes de Primrose, qui ouvre l’album, qui sonne presque « americana », on se dit que l’âge a enfin rattrapé les Pixies, et que cet album sera celui de… l’apaisement. En effet, même si le disque aurait, paraît-il, été enregistré de manière spontanée, rapide, on ne sent aucune urgence dans la vaste majorité de ses chansons : ce qui reste de l’énergie furieuse qui fait la réputation du groupe est désormais bien canalisé, frustrant inévitablement ceux qui valorisent plutôt les racines « punk » du groupe. Il est indiscutable que des morceaux comme You’re So Impatient, Oyster Beds, ou encore Ernest Evans auraient donné lieu, auparavant, à une débauche frénétique de violence, et que leur (relative) sagesse a un léger goût de désillusion…

A l’inverse, ceux qui aiment les mélodies pop bien troussées que Black Francis a été régulièrement capable de pondre seront à l’aise avec The Night the Zombies Came, un disque qui privilégie le charme « pop », les chansons entraînantes que tout le monde pourra reprendre en chœur, un grand sourire aux lèvres… Comme le léger et… souriant Hypnotized, ou comme l’excellent Motoroller, avec son refrain efficace au possible : « First you run outta time / then you run outta space / it was a very good line » (D’abord, tu manques de temps / ensuite, tu manques d’espace / c’était une très bonne réplique !)… Un futur classique ?

L’arrivée d’Emma Richardson à la basse, qui a beaucoup déçu lors des premiers concerts donnés avec le groupe (surtout après la présence radieuse et énergisante de Paz Lenchantin), n’impacte pas sensiblement la musique des Pixies : c’est une déception, mais pas vraiment une surprise.

The Night the Zombies Came pourrait bien marquer l’entrée des Pixies dans la « maturité », et indiquer le chemin d’une réinvention moins superficielle, sans perdre pour autant le riche héritage de son passé. Il témoigne d’une plus grande diversité sonore – entre chansons calmes, presque « délicates » (!), et rockers entraînants. Bien sûr, et heureusement, les nostalgiques du passé ne seront pas perdus, et retrouveront çà et là des échos indiscutables des élans, des emportements, des pics d’énergie d’autrefois. Stylistiquement, d’ailleurs, les influences habituelles colorant la musique du groupe restent les mêmes : surf music, country punk, psychédélisme… On regrettera un aspect plus linéaire de titres plus longs, ce qui traduit une sorte une sorte de nouveau classicisme, alors que l’on a longtemps valorisé leur art des ruptures de ton survenant par surprise au sein de chansons pourtant brèves… Comme toujours avec Black Francis, les textes sont largement abstraits, et les références « fantastico-trash » qui justifient le titre de l’album sont plus qu’anecdotiques.

Au final, The Night the Zombies Came ne révolutionne pas la musique des Pixies, mais parvient à nous étonner régulièrement (comme par exemple avec un Mercy Me qu’on aurait eu du mal a priori à imaginer sur un tel album…). Le groupe n’est donc pas devenu une bande de « walking dead », et continue à avancer, même si c’est à tous petits pas, sans casser ce modèle musical qui leur a permis de devenir légendaires, et de toujours remplir les salles de concerts à travers le monde.

Le temps des chefs d’œuvre est sans doute passé, mais on peut continuer à prendre beaucoup de plaisir avec les Pixies.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/10/26/pixies-the-night-the-zombies-came-walking-dead/

EricDebarnot
7
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le 26 oct. 2024

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Eric BBYoda

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