Donald Fagen, je t'aime.
Ce son, ce son délicieusement mélancolique et décalé.
Par
le 10 août 2015
1 j'aime
"Kid Charlemagne", c'est le surnom d'un dealer réputé pour la qualité de sa marchandise pendant les années 60. Son histoire est vaguement inspiré de celle d'Owsley Stanley, un des plus gros producteurs de LSD de la période (qui fut notamment arrêté en même temps que les Grateful Dead, avec qui il collaborait comme ingénieur du son)
Fournisseur de tous les hippies de l'époque, véritable roi de la drogue, il perd progressivement tout ce qu'il a construit lorsque les années soixante-dix arrivent et que le monde se remet d'une sacrée gueule de bois. Le morceau en lui-même est parsemé d'allusions à des anecdotes et autres histoires vraies du "Summer of Love", mais l'ambiance est loin d'être psychédélique, bien au contraire. Créer de la fiction et l'ancrer dans la réalité à partir d'allusions est une constante dans l'œuvre de Steely Dan. Un bon moyen de rendre les paroles mystérieuses et attirantes à la fois.
Le Dan de Fer (du nom d'un godemiché dans "Le Festin Nu" de William Burroughs...) ouvre les hostilités d'une manière proprement impériale pour débuter son cinquième album. Chant lancinant et désemparé, chœurs épiques, solo de guitare magnifique, tout y est. D'ailleurs l'album mérite une écoute rien que pour ce solo, qui fut compris parmi les meilleurs solos de guitare de tous les temps selon le magazine Rolling Stone en 2008. Ils louent notamment sa complexité, qui est telle "qu'il pourrait être un morceau à lui tout seul".
Il n'y a pas à dire, le travail sur l'ensemble est remarquable. "Kid Charlemagne" s'impose d'entrée comme un des meilleurs morceaux du groupe. A l'époque, celui-ci comptait de plus en plus sur des musiciens de studio, qui gravitaient autour des deux leaders Fagen et Becker. La particularité de Steely Dan, l'adjectif revenant sans cesse lorsqu'il s'agit de parler du groupe, est le perfectionnisme dictatorial de ses deux têtes pensantes. Allant parfois jusqu'à une quarantaine de prises pour atteindre un son parfait, le duo faisait vivre parfois un véritable enfer à leurs collègues... L'histoire du groupe est d'ailleurs riche en anecdotes de ce genre.
Quand on y pense, c'est un fait plutôt risqué de commencer son album par un tel chef d'œuvre : cela peut élever les attentes de l'auditeur et ainsi augmenter ses risques de déception.
Mais aujourd'hui, on ne parle plus de Steely Dan qu'avec son album suivant, "Aja".
Jazz-rock méticuleux et envoûtant, il contraste beaucoup avec ce que nous propose ici The Royal Scam.
Ne fuyez pas en voyant le mot "Jazz-rock", car s'il y a bien un instrument à l'honneur dans cet album, c'est la guitare. Jamais Steely Dan n'exploitera autant cet instrument. Les solos sont nombreux et d'une grande variété dans les sons utilisés. Le perfectionnisme si habituel du groupe s'étale cette fois-ci dans l'utilisation des cordes et c'est un vrai plaisir d'entendre Steely Dan sonner bien plus rock que jazz.
Ce deuxième côté n'est cependant pas en reste : l'ambiance de la plupart des morceaux reste relativement "smooth", mais avec un côté menaçant bien plus présent que sur les autres albums. Quelques traces de funk subsistent également. Le timbre bien particulier de Fagen rend chaque morceau de Steely Dan unique en son genre, et les paroles qui vont avec sont toujours empreintes de l'esprit cynique et malsain du groupe. (En même temps quand on voit leur nom on comprend bien que ce ne sont pas des enfants de chœur…)
Le morceau d'introduction justifie à lui seul justifie l'acquisition de l'album, mais vous avez en bonus les huit autres titres, qui comptent également parmi tout ce que Steely Dan a fait de meilleur. Si les albums précédents peuvent parfois être répétitifs, ici le Dan se surpasse et crée son premier chef d'œuvre avant l'essai transformé, le merveilleux "Aja".
De la tristesse rythmée de "The Fez" au cynisme délicieux de "Haitian Divorce", le groupe enchaîne les compositions complexes et pourtant tellement accessibles.
Il serait donc bon de jeter une oreille au travail de Steely Dan, fortement sous-estimé aujourd'hui à mon goût. The Royal Scam est une excellente porte d'entrée pour celui qui aimerait découvrir un des groupes les plus fascinants des années 70.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Collection de vinyles
Créée
le 5 janv. 2016
Critique lue 614 fois
12 j'aime
D'autres avis sur The Royal Scam
Ce son, ce son délicieusement mélancolique et décalé.
Par
le 10 août 2015
1 j'aime
Du même critique
Le monde des séries télévisées ne cessera jamais de m'étonner. A ceux qui disent que la créativité baisse d'année en année, je leur répondrais "Et vous avez déjà vu Rick and Morty ?". Pourtant, rien...
le 2 nov. 2014
76 j'aime
10
"It's Always Sunny in Philadelphia" est une série assez atypique lorsqu'on s'y attarde. Si on ne prend que son synopsis, c'est une sitcom stéréotypée comme il en existe des dizaines : une bande de...
le 9 mars 2014
36 j'aime
Treize années s'écoulèrent entre la naissance de "Luv(sic) Pt. 1" et la publication de la sixième et dernière partie, "Luv(sic) Grand Finale", jusqu'à la publication en CD deux ans plus tard. De...
le 9 févr. 2018
33 j'aime
11