Hello Darkness My Old Friend
Voici venir The Satanist, le nouvel album tout beau tout chaud de Behemoth, un disque forcément très attendu par une bonne partie de la sphère métallistique comme chacun sait. Avec l'ami Nergal qui a manqué à peu de choses près de fonder un nouveau groupe avec Ronnie James Dio, l'annulation de toute une tournée, et malgré les circonstances un sacré bout de temps depuis la sortie d'Evangelion, Behemoth est attendu au tournant sur ce coup là. Compte tenu de ce que Nergal a pu traverser, on s'imaginait déjà, moi le premier, un album d'une rare violence, un réceptacle dans lequel lui et ses compères auraient déversé toute leur haine, comme si Evangelion se poserait en un "album de berceuses" en comparaison.
Coupons court au suspense, la première écoute de cette offrande m'a largement dérouté. Ce n'est vraiment pas dans ces horizons là que j'imaginais que Behemoth m'emmènerait, et oserais-je dire tant mieux ? Car l'album s'ouvre sur un morceau que tout le monde aura déjà entendu, le fameux single "Blow Your Trumpet, Gabriel", qui effectivement rappelle beaucoup ce qu'on a déjà pu entendre sur Evangelion et ce jusque dans sa production. On navigue en terrain connu, le morceau semble peut être même un peu trop "facile" pour le groupe, comme s'il s'agissait en fait d'une chute studio du précédent album en l'écoutant d'une oreille distraite. Mais juste après ça, le choc ! Au diable le blackened death metal dont Behemoth s'était fait le plus fier représentant avec le tryptique Demigod / The Apostasy / Evangelion, la créature gargantuesque opère ici une nouvelle transformation la ramenant quelque peu vers ses racines black métal, se voulant plus ambiant et plus noir que purement et simplement violent. Certains riffs offrent même un coté martial comme sur Ben Sahar. Evidemment, quand on s'est habitué à des hymnes comme Conquer All, At The Left Hand of God et autres Shemhamforash, il y a de quoi être décontenancé, et c'est là que cette pseudo réminiscence d'Evangelion prend tout son sens, Blow Your Trumpets propose un compromis entre le présent album et son prédécesseur, en nous offrant au figuré une page à tourner pour pouvoir avancer dans les abimes de The Satanist.
Même si ce n'était pas du tout l'album que j'attendais, j'ai vraiment été pris aux tripes par cette noirceur constante, intrigué par un groove très puissant dans ce black metal inspiré. En effet, un point qui m'a très agréablement surpris, et ce sur l'intégralité de ce nouvel album, c'est la place très importante apportée à la basse. Cette dernière est hyper présente, au point de parfois même supplanter les guitares comme sur O Father O Satan O Sun par exemple. On se retrouve donc avec un coté "black and roll" très marqué, de nouveau à mille lieues de ce à quoi on pouvait s'attendre. La tracklist comporte quelques perles comme l'excellente Ora Pro Nobis Lucifer (dotée d'un riff de refrain diablement efficace et d'une ambiance générale rappelant l'album Satanica à notre bon souvenir), Furor Divinus et Amen sur lesquelles Inferno vient rassurer ceux qui se sentiront peut être lésés par la nouvelle mutation du Bahamüt, ou encore la descente aux enfers qu'est Messe Noire, un titre qui peut aisément résumer l'ambiance générale de ce Satanist.
Behemoth m'a donc emmené dans cet univers où Nergal a déversé les pensées les plus sombres qui ont du l'accompagner dans sa maladie, brisant mes convictions, détruisant mes attentes pour mieux me surprendre. The Satanist est un voyage que je n'aurais jamais cru accomplir, à coté duquel il aurait été dommage de passer. Behemoth prouve que même quand on est un groupe phare suivi par un gros label qui ne nous a jamais habitué au changement, on peut toujours surprendre et innover.