Après avoir été l’un des instigateurs de Necrophobic, David Parland fonde en 1993 avec Mikael Svanberg Dark Funeral, dans lequel ils sont mieux connus respectivement sous les pseudonymes de Blackmoon et Lord Ahriman.
Leur collaboration donne d’abord naissance à un premier EP en 1994, le désormais classique EP homonyme enregistré à l’Unisound de Dan Swanö. La petite structure sur laquel l’EP est sorti (Hellspawn Records, aujourd’hui disparu) est abandonnée au profit de No Fashion Records, label qui, comme on le sait, a pu glaner presque toutes les sorties estampillées black/death à tendance mélodique au point d’en faire une sorte de marque de fabrique.
Dark Funeral est en effet à l’époque un des fers de lance du mouvement black metal de la seconde vague en Suède, le noyau dur (ou les plus grandes gueules et excités du bocal) se situant plutôt en Norvège. Leur EP leur a d’ailleurs permis de participer à un concert à Oslo en compagnie de Marduk et Gorgoroth.
Le reste de l’année 1994 a été consacré à l’écriture du premier album.


Ce premier album a une histoire un peu particulière.
Déjà, il y a deux titres qui datent de l’EP et qui ont été enregistrés pour l’occasion. Blackmoon et Ahriman ont pensé qu’ils méritaient de figurer sur l’album dans la mesure où ils considéraient l’EP non pas comme une première sortie, mais comme une sorte d’introduction annonçant le premier véritable méfait du groupe.
Par ailleurs, on y retrouve une reprise : Satanic Blood de VON. Leur premier batteur, Draugen qui a quitté le groupe avant l’enregistrement de l’album car trop pris par ses autres projets (Svartsyn et Illska), était un gros tape trader et avait récupéré la fameuse démo de VON qui avait fasciné Blackmoon et Ahriman, au même titre que de nombreux blackeux en herbe de leur génération.
Pour la production de l’album, leur choix fut bien entendu de retourner à l’Unisound, en janvier 1995 avec six nouvelles compos sous le coude. Mais le résultat fut loin de celui espéré : Dan Swanö venait tout juste de récupérer du nouveau matériel de production suite à l’enregistrement de l’album de Nigthingale ; ce qui marchait sans doute pour le style pratiqué par ce dernier ne convenait par contre absolument pas au black metal de Dark Funeral.
Le groupe a donc été contraint de chercher un autre studio pour tenter de rattraper le coup. Ils ont d’abord sonné à la porte de l’incontournable Sunlight Studio (Tomas Skogsberg aurait d’ailleurs appelé Dan Swanö pour lui passer un savon suite à l’écoute des tapes de l’Unisound), puis ont décidé d’opter pour un son plus original : celui du studio Abyss de Peter Tägtgren, ingénieur alors peu expérimenté puisqu’il n’avait même pas une dizaine d’albums à son actif (dont ceux de Hypocrisy et les premiers The Abyss et Naglfar).
Le rendu fut pourtant largement à la hauteur de leurs attentes, cette fois-ci. Blackmoon et Ahriman avaient continué de travailler sur le squelette de leurs compos dans l’esprit de l’EP, qui était essentiellement ces gros accords en trémolos peu orthodoxes qui constituent une espèce de mur sonore continu et linéaire, dans l’optique de donner un côté symphonique à leur musique. Ce qui les distinguait non seulement de la scène black norvégienne, aux riffs très frostiens, mais également de leurs homologues de chez No Fashion avec leurs subtilités mélodiques.


The Secrets Of The Black Arts est un pur chef-d’œuvre de black brutal, à l’ambiance d’une noirceur sans précédent. Les morceaux s’enchaînent à toute vitesse avec ce même mur sonore de guitare, régulièrement hanté par des mélodies en lead sourdes et comme spectrales, ce qui est totalement en accord avec le concept satanique et occulte développé ici. Aucun autre album ne sonne comme celui-ci, le travail de Peter Tägtgren est absolument extraordinaire.
Blackmoon était déjà connu pour ses talents de compositeur sur le premier album de Necrophobic. Dans un style très différent, moins technique, il est parvenu en collaboration avec Ahriman à retrouver une sorte de perfection dans l’écriture et l’exécution des morceaux, combinant accroche immédiate indéniable et profondeur au travers des atmosphères incroyablement prenantes, au point que certains titres (le morceau titre, notamment) en deviennent complètement obsédants.
My Dark Desires, sur lequel on reconnaît la patte du compositeur de Necrophobic, Shadows Over Transylvania et l’hallucinant Bloodfrozen sortent un peu du lot grâce à leurs variations rythmiques et leur approche plus mélodique et un peu plus fine. Ces morceaux sont judicieusement placés de manière à casser la monotonie qui peut s’installer sur cet album, tant les blasts beats impitoyables et métronomiques d’Equimanthorn semblent ininterrompus.
Satanic Blood est aussi à part, d’autant que c’est Blackmoon qui a pris le micro pour l’occasion ; mais la linéarité et la simplicité du morceau s’accorde finalement assez bien avec le reste. Je trouve tout de même l’originale infiniment plus possédée.


Cet album est suivi d’une série de concerts qui leur a valu une sacrée réputation au sein de la scène et même auprès des médias, de par la conformité entre l’artwork et les propos ouvertement sataniques de l’album d’une part et l’imagerie véhiculée sur scène. Tout cela participa bien entendu à leur succès, qui n’a pas vraiment faibli jusqu’à maintenant.


The Secrets Of The Black Arts a été réédité à plusieurs reprises. Sur l’édition Regain de 2007 et les suivantes (dont celle de Century Media que je possède), on peut retrouver en bonus l’enregistrement de l’Unisound, qui a été revu et corrigé par Daniel Bergstrand et Peter In de Betou. C’est un apport véritablement intéressant pour les fans qui connaissent bien la version Abyss Studios. On a l’impression de redécouvrir les morceaux, d’y déceler de nouvelles subtilités. Cela m’a paru particulièrement flagrant sur Satan’s Mayhem, que je trouve meilleure dans cette première version.


Je ne me suis à ce jour jamais remis du traumatisme que j’ai subi lors de la première écoute de ce disque dans mon adolescence. Qu’on aime ou pas, je le répète, aucun autre album ne sonne comme ça, le rendu est unique. D’une puissance imparable, d’une noirceur impénétrable (aussi grâce au travail remarquable de Necrolord en couverture et à la photographie du château de Dracula dans le feuillet), alliant brutalité assommante et fines mélodies qui participent autant à l’atmosphère occulte qui y règne, cet album s’impose comme une magistrale symphonie satanique orchestrée de main de maître par des dévots à la ferveur inextinguible.


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Man_Gaut
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le 6 juin 2016

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Man Gaut

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