Plat Impala
"Hééé mais l'album est pas encore sorti" Il a leaké depuis lundi et est dispo en qualité FLAC. Voila, maintenant que j'ai passé (litteralement) deux bonnes journées a écouter ce Slow Rush, on va...
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le 13 févr. 2020
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Kevin Parker est un artiste qui cherche à constamment se renouveler et qui refuse de s’en tenir aux bases de ses précédents projets. Sur une récente interview avec GQ Australia, il déclarait que simplement reproduire ses albums serait trop facile et "ennuyant". Cette idée de renouvellement n’est pas inédite, puisque c'est ainsi qu'est né "Currents", un album beaucoup plus pop que "Lonerism", et il s’avère que c’est de nouveau le cas avec "The Slow Rush", qui s’engage complètement dans le monde pop.
Pourtant, si la transition entre "Lonerism" et "Currents" s’était faite de manière naturelle, celle entre "Currents" et "The Slow Rush" semble plus forcée. Les premiers singles sortis en 2019 étaient certes prometteurs ("Patience" et "Borderline"), mais le ton semblait déjà plus lassant et répétitif sur les deux suivants ("Posthumous Forgiveness" et "Lost In Yesterday") délaissant définitivement l’influence rock psychédélique sur laquelle s’est bâti Tame Impala.
Les qualités d’écrivain de Kevin Parker n’ont jamais été vraiment louées au cours de sa carrière, même si certaines de ses paroles sont mémorables, il semble plutôt reconnu pour son ton cheesy et direct. Néanmoins, sa qualité de producteur et son sens des mélodies lui permettaient de compenser pour cette lacune, voire de la rendre complètement insignifiante tellement ses arrangements étaient impressionnants. C’est le cas sur "Currents", un album aux textes assez simples mais à la production synth-pop / disco-pop / pop psychédélique phénoménale.
Toutefois, avec "The Slow Rush", Parker semble déterminé à prouver qu’il est réellement capable de production pop polyvalente et catchy, au point de surcharger ses morceaux de divers éléments se marchant dessus, laissant à peine assez de place à ses mélodies et s’étalant beaucoup trop sur la durée. On remarque cela sur "Tomorrow’s Dust", qui semble coincé dans une spirale infernale de cinq minutes, ou "Lost In Yesterday" qui démarre sous sa forme complète et ne varie à aucun moment.
Et lorsque sa production semble moins fiable qu’à son habitude, la musique de Tame Impala paraît presque démasquée. Parker n’a pas les capacités vocales pour compenser de telles erreurs. L’introduction de l’album, "One More Year", offre 5 :24 du même beat et de la même mélodie plate, avec un refrain rappelant une mauvaise création d'un DJ de seconde zone ("we got a whole year, fifty two weeks, seven days each, four seasons, one reason, one way, one year").
Le choix de modifier "Borderline", un morceau originellement au groove vibrant malgré son concept assez simple, est également discutable. Bien que répétitive, la mélodie originale du single respire et retentit par elle-même. On ne peut pas en dire de même pour la version de l’album, soudainement surchargée d’éléments pop par-dessus un beat originellement minimaliste, d’une percussion plus expressive et l’apparition d’ad-libs en fond qui perturbent le rythme établi par l’originale. On passe d’une chanson relaxante à une chanson presque écrasante. Sans compter la disparition du "ahhh" en introduction qui retire des points esthétiques au remix.
"The Slow Rush" n’est pas sans ses points positifs pour autant, et Kevin Parker n’a pas soudainement perdu toutes ses qualités de producteur. Et en soi, le concept d’observer le passage du temps est très intéressant pour marquer l’évolution de sa musique, et "Posthumous Forgiveness" en est la preuve. Malgré sa longueur de six minutes, elle offre un regard introspectif sur la vie (familiale) du chanteur australien de manière très honnête. Les basses retentissent au bon moment, la voix de Parker raisonne par-dessus et l’ensemble du morceau prend son sens. Sur "Breathe Deeper", il retrouve son toucher pour produire un refrain entraînant ("If you think I couldn’t hold my own, believe me, I can") sur un petit kick assez plaisant, bien qu'encore un peu long.
Parker est à son meilleur lorsqu’il prend son temps pour construire ses chansons, sans se soucier des éléments à ajouter à ses chansons, en laissant le flow se créer naturellement. "On Track" en est un bon exemple, avec une arrivée graduelle des éléments composant le beat final et une production qui passe en arrière-plan l’espace de quelques secondes pour laisser les mots de Parker planer ("I know it’s unrealistic, over-optimistic… "). La construction de cette chanson produit une écoute gratifiante de par sa patience, contrairement à un morceau plutôt anecdotique comme "Instant Destiny".
En seconde partie d’album, "Is It True" offre le sentiment disco et catchy dont le projet avait terriblement besoin. La formule est assez simple mais énergique, et risque là aussi de s’étendre trop longtemps avant de céder sa place à "It Might Be Time", une fusion des bases de "Lonerism" et "Currents". Grâce à une sirène omniprésente en arrière-plan, une batterie acoustique retentissante puis un beat disco-pop accompagné d’un clavier synthétique délicat, Parker produit l’un des meilleurs moments de l’album. C’est l’une des rares fois où tous ces éléments combinés forment un ensemble cohérent et homogène sans empiéter sur la mélodie.
En fin d'album, "Glimmer" s’oppose à l’enchaînement de deux très bons morceaux à fortes influences de rock psychédélique pour au contraire proposer une dose finale de pop superficielle et vide. Son seul point positif est sa courte durée qui permet de passer à une conclusion plutôt satisfaisante de l’album, avec "One More Hour" qui se laisse porter dans la distance accompagnée de riffs agressifs donnant une dernière rare dose de caractère au projet.
Finalement, "The Slow Rush” ne devrait pas surprendre son audience. Il s’agit d’un concentré de ce que Kevin Parker sait faire de mieux mais ses intentions et son perfectionnisme le rattrapent beaucoup trop souvent. Il y a un manque de spontanéité, tout est très (trop) calculé, lisse et prévisible.
L’évolution était inévitable pour Parker, tout comme la recherche du morceau de production parfait. Cette quête l’a mené à de la pop en abondance qui finit par submerger sa voix. Moins de psychédélique, plus de pop pour un ensemble inégal. On finit par se perdre dans les abysses de sa production, inconscient du passage du temps.
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le 16 févr. 2020
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