KOD
6.4
KOD

Album de J. Cole (2018)

J. Cole est une figure qui divise. Certains le considèrent comme un excellent lyriciste, d’autres comme un rappeur ennuyeux. Malheureusement pour lui, ces deux opinions peuvent être valides simultanément.


Sur son nouvel album "KOD", on se retrouve avec un album centré sur le thème de la drogue et son influence sur la jeunesse ainsi que le rap. Bien que le message initial soit louable, Cole fait très rapidement le tour du sujet et semble se perdre en chemin, détournant la conversation sur des sujets comme les réseaux sociaux ou sa propre vie.


Commençons par parler de la production, là où la simplicité a toujours été favorisée par Cole. On retrouve de nouveau une ambiance minimaliste, avec des percussions légères, jamais rien de mauvais mais ça joue clairement la sécurité pour mettre en avant les paroles. La formule habituelle en somme, mais qui parait de plus en plus monotone.


Cela dit, le concept de l’album pousse Cole à s’essayer à une sorte de parodie des nouvelles tendances trap ("ATM", "Motiv8") et mène à une version moindre de ce qui se fait de mieux ailleurs, sans que son énergie, ni son utilisation du triplet flow ne soient assez intéressants pour retenir notre attention.


Par ailleurs, on ne peut s’empêcher de remarquer que les refrains sont composés selon le même modèle à travers l’album ("this here’s what you call a flip" x4, "count it up" x6, "cop another bag of smoke today" x8, "motivate" x16) et que ce manque de créativité ajouté au flow naturellement nonchalant de Cole peine à réellement faire décoller le projet. Si l’on ajoute à cela les parties chantées par son alter ego kiLL edward, sur lesquelles Cole aurait pu bénéficier d’une contribution extérieure, on se retrouve avec plusieurs éléments incompatibles qui créent un ensemble assez terne.


Maintenant, en s’intéressant au contenu même du projet, on ne peut s’empêcher de remarquer que Cole ne creuse pas assez dans son discours et se disperse très rapidement.


L’album commence sur un fond de jazz assez plaisant, mais qu’on ne retrouvera que trop peu, puis enchaîne sur "KOD", le morceau qui sert d’introduction aux drogues dont Cole souhaite nous parler. Seulement sur cette chanson, un couplet entier est dédié à Cole lui-même, évoquant son manque de features, mais n’aborde le sujet des drogues qu’après coup pour terminer sur une punchline des plus lamentable avec "the strongest drug of them all: love".


Cole dédie ensuite une chanson aux méfaits de l’utilisation des réseaux sociaux sur "Photograph", mais l’intégralité du morceau, des paroles au refrain, sonne faux avec un contenu assez dérangeant ("I’ll keep this one for myself"). Les chansons romantiques n’ont jamais été le fort de Jermaine Cole et ça lui coûte encore une fois.


Par la suite sur "The Cut Off", on note un concept intéressant avec l’opposition entre Cole et "Edward", qui joue le rôle d’une personne dépendante de la drogue. Cet échange entre les deux personnalités sert à livrer un message nécessaire sur l’addiction mais cela se produit au coût de sonorités intéressantes ou simplement agréables à écouter. Le refrain chanté par kiLL edward est abominable et le refrain encore une fois trop répétitif et trop peu créatif.


En faisant l’impasse sur "ATM" et "Motiv8", deux morceaux à la production étrangement similaire mais au dynamisme opposé, on peut s’intéresser au contenu de "BRACKETS". Cole fait un détour par la case politique, dans lequel il fait part d’un tas de très bons arguments sur l’intérêt de payer des taxes s’il n’est pas informé de la redistribution de son argent, du fait que son voisinage continue de vivre dans la pauvreté mais aussi de l’éducation.


Là encore, on note de très bonnes idées de sa part, mais également des choix incompréhensibles, comme le fait de se vanter de ne pas avoir voté aux élections présidentielles car "la démocratie ne fonctionne pas", ou l’interlude en plein morceau qui dure beaucoup trop longtemps. Au cours d’une chanson qui aurait facilement pu être sa plus engagée, Cole a tout de même réussi à se saboter avec un contenu mitigé et une production de nouveau plate.


Un peu plus tard dans l’album, on remarque sur "FRIENDS" un jeu de mot opportun entre "medicate" et "meditate", qui n’apporte pas vraiment de substance à la conversation concernant l’addiction à la drogue. Le fait que deux mots se ressemblent ne veut pas pour autant dire qu’ils doivent être liés, et dans ce cas précis, c’est presque prétentieux de la part de J. Cole de conseiller la méditation plutôt que la consommation de drogue, surtout comme point d’ancrage de sa chanson. Et le fait d’entendre Cole parler de ses amis victimes de tels problèmes plus tard dans l’album rend ces paroles encore plus incompréhensibles.


Ce refrain est d’autant plus regrettable car on remarque un discours bien plus impactant au début du premier couplet ("but I’m aggravated without it, my saddest days are without it") qui montre que malgré tout, Cole est capable de livrer des textes appréciables et profonds, sans pour autant en faire un refrain insipide ou une réflexion surfaite.


Néanmoins, malgré ces nombreux faux pas, on note une nette amélioration en termes de contenu et de production sur les quatre derniers morceaux de l’album. C’est un peu tard pour captiver son audience, mais on sent un J. Cole plus concentré et plus concis dans ses propos.


Sur "Once An Addict" par exemple, on entend un morceau captivant sur lequel il hausse le ton progressivement en parlant de sa relation avec sa mère. On retrouve la facilité avec laquelle Cole a l’habitude de raconter ses histoires. C’est également un cas où une production plus posée était appropriée et Cole a su le reconnaître.


Les mêmes observations sont valables pour "Window Pain", un morceau qui évoque la gratitude de Cole et qui bénéficie d’une production légèrement plus élaborée, puis enfin "1985 – Intro to the Fall Off", qui sert de réponse directe à des rappeurs anecdotiques et qui apporte une énergie, et même une agressivité, qui manquait en début d’album.


Les défauts sont évidents sur "KOD". Le sujet abordé est compliqué, bien plus qu’il n’y parait étant donné le cercle vicieux dans lequel se trouvent les Etats-Unis avec la drogue. La pauvreté et la dépendance sont des problèmes qui remontent à des politiques de plusieurs décennies et Cole ne fait qu’effleurer la surface de ces thèmes. Ces problèmes ne peuvent pas être simplement résolus en méditant, et même s’il le sait pertinemment bien, on ressort de cet album avec l’impression qu’il n’a rien d’autre à apporter à cette discussion que des impressions superficielles.


Cela étant, le talent de J. Cole en tant que MC n’est pas à remettre en cause. On remarque tout de même des paroles ingénieuses à travers les morceaux ("stacked a few Ms like my name was Shady") qui montrent que malgré tout, il y a bien du caractère derrière la personne, mais qui se manifeste moins souvent sur cet album.


Contrairement à ses précédents projets, "KOD" s’éloigne du storytelling typique que l’on retrouvait sur "2014 Forest Hill Drive" et se présente comme un album moins personnel. En principe, un album avec un concept différent semblait être une bonne idée pour Cole, en particulier si les principaux reproches concernaient sa régularité excessive. Seulement là, le changement de formule n’est pas complété jusqu’au bout et comme noté plus haut, la production ne suit pas la même route, produisant l’impression d’écouter les mêmes chansons en boucle.


Ce qui faisait la grande force de J. Cole devient progressivement sa plus grande faiblesse : son refus de collaborer avec d’autres artistes sur ses projets. On le voyait sur "4 Your Eyez Only", mais c’est d’autant plus évident sur "KOD". Cole aurait eu besoin de contributions extérieures pour animer cet album, pourquoi pas venant directement de Dreamville avec J.I.D dont les débuts ont impressionné un grand nombre de personnes, et d’une réelle prise de recul avant de finaliser ce disque finalement assez médiocre.

A-M
5
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le 24 avr. 2018

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A-M

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