Critique portant sur l'ensemble du double album THE TORTURED POETS DEPARTMENT: THE ANTHOLOGY

Cette critique n'aura rien de très original par rapport aux multiples avis que j'ai pu voir sur le fandom Swiftie de Twitter et Tumblr, mais puis-je me blâmer de mon propre manque d'originalité ? Je partage donc l'avis de cette utilisatrice qui avait résumé ce tout dernier opus de la mégastar actuelle de la planète par la très fine formule "Midnights and Folklore fucked and TTPD is their lovechild".

En effet, cette anthologie impressionnante de 31 titres (aussi longue que la Taylor's Version de Red, qui m'avait parue interminable) suit clairement le découpage imposé par Taylor, d'abord avec un premier album à la couverture blanche, suivi deux heures plus tard de son jumeau bien plus sombre, allongé de 15 nouvelles chansons. La première partie, donc, m'a d'abord très (trop) fortement rappelé musicalement Midnights et son penchant particulier (mais qui fonctionnait à merveille dans un album-concept) pour la synthpop, apparemment la recette favorite du producteur Jack Antonoff. Cette signature musicale apportait un nouveau souffle à la production de Taylor Swift, mais est devenue, à force, beaucoup trop reconnaissable dans son oeuvre depuis Midnights, se faisant trop insistante dans les vault tracks de 1989 (Taylor's Version) aussi bien que dans les premières chansons du fameux TTPD.

J'ai ainsi été particulièrement déçue par Fortnight, alors qu'il s'agit du lead single de l'album, en raison de cette fameuse production antonoffienne restée paresseusement sur les bases de Midnights et, plus généralement, à laquelle je n'ai tout simplement pas accroché. J'ai alors eu peur d'avoir affaire au premier "mauvais" album de Taylor Swift. Heureusement, l'artiste n'est pas au sommet du monde de la pop pour rien ,et au fur et à mesure de ma progression dans l'album, certains titres ont su éveiller mon attention, en particulier So Long, London : cette dissection de la fin de sa relation longue de 6 ans avec l'acteur britannique Joe Alwyn propose une production très intéressante, évoquant à la perfection l'angoisse et l'impuissance martelées par les pulsations d'un coeur en bout de course, qui se superposent à un phrasé long et mélancolique, le tout souligné par des paroles dont la qualité, n'en déplaise aux haters, ne surprend plus de la part de Taylor.

Mais la meilleure partie de cet album reste incontestablement (aux dires de l'opinion du fandom) la deuxième, le fameux second album noir qui recèle selon moi les meilleures chansons de TTPD. Ici, la production est majoritairement le fait d'un autre habitué des studios de Taylor, Aaron Dessner. Celui-ci nous a offert les deux albums de TS les plus salués par la critique, et sa participation est encore une fois à la hauteur : plus minimaliste, sensible, mettant mieux en valeur la voix de la chanteuse, insufflant une brise de folk et d'acoustique dans cet album d'abord très synthpop. La plupart des morceaux, même les moins mémorables, sont très agréables à l'oreille ; ma favorite de cette nouvelle cuvée est The Albatross, à la production magnifique et dont la thématique avait tout pour me plaire. De Midnights, on passe donc à Folklore, d'où le tweet cité un peu plus haut, et c'est peut-être bien pour ça que l'album connaît un tel succès chez les Swifties, qui ont en grande majorité pour albums favoris le duo de soeurs indie que sont Folklore et Evermore.

Si l'emphase sur la tristesse et les relations passées qui constitue l'ADN de cet album (et d'une bonne partie du répertoire de TS, soyons francs) pourra agacer certains qui la trouveraient excessive, voire "cringe", la chanteuse reste crédible une fois de plus grâce à un lyricisme swiftien souvent ignoré par ses détracteurs. L'album entier reste cependant émaillé d'instants plus joyeux comme So High School, dédicace rafraîchissante et légère à son nouvel homme, qui a été bien moquée pour certaines paroles superficielles par certains (qui ne pigent manifestement pas que la chanson, comme son nom l'indique, décrit justement le fait de se sentir à nouveau comme une lycéenne en chaleur en entrant dans une nouvelle relation...), mais qui fait partie de mes favorites pour ce riff de guitare en fond irrésistible.

En résumé, il m'a fallu revenir à cet album une deuxième fois pour l'assimiler et commencer à identifier mes chansons préférées. Comme beaucoup, j'étais réellement sceptique au début, avant d'écouter la deuxième partie à la couverture noire et de commencer à être convaincue ; c'est pourquoi j'aurais aimé que la version Anthology soit proposée aussi sur SensCritique car c'est à mon sens elle qui fait de TTPD un album de très bonne facture.

Mon seul regret, mis à part le featuring avec Florence Welch dans lequel j'avais placé beaucoup d'espoirs (déçus), est que Taylor n'ait pas tenté d'explorer un nouveau sous-genre comme elle n'a cessé de le faire au cours de sa carrière, se "contentant" ici de reprendre des inspirations midnightsiennes et foklor... iques ? esques ? Toutefois, comme me l'a très justement fait remarquer quelqu'un, pourquoi Miss Americana aurait-elle l'obligation d'inventer en permanence une nouvelle era alors qu'elle semble avoir trouvé depuis 2020 le(s) genre(s) qui l'a/ont hissée définitivement au sommet des charts ?

De surcroît, retenons que ce dernier opus est une proposition davantage lyrique que musicale, si sa DA tout entière tournée vers l'univers de l'écrivain et du poète torturé n'avait pas réussi à rendre ça assez clair. Taylor Swift a manifestement créé cet album pour elle (ses fans dans une moindre mesure) et non pour le grand public, en témoignent les paroles qui recèlent de plusieurs couches d'interprétations, de références plus ou moins évidentes à sa vie privée dont certaines nécessitent une culture people presque pathologique, et évidemment d'hommages littéraires. Ironiquement (mais sans grande surprise non plus vu l'ascension continue de la star et son génie parfois agressif du marketing), cet album des plus personnels explose tous les records de popularité. Malgré l'apparente superficialité d'une énième ode à son coeur brisé, TTPD aborde en réalité, sous le couvert de relations passées, des sujets beaucoup plus complexes comme les dégâts de l'ultra-célébrité sur la santé mentale (l'hyperproductivité toxique et la dépression semblant être les principaux symptômes chez Taylor Swift).

Nous savons en effet que la chanteuse n'est pas du genre paresseuse... il s'agit ni plus ni moins de sa huitième sortie en 5 ans (dont 5 albums inédits), le tout en portant sur ses épaules pailletées la tournée la plus lucrative de l'histoire depuis plus d'un an. Oui, difficile de ne pas se sentir comme une merde incapable à côté de Taylor Swift et de son catalogue démesuré qui s'agrandit si vite que même les fans ont du mal à garder le rythme. En tout cas, nous autres Swifties ne nous en plaindrons pas de sitôt ! :)

Top 5 :

5. Robin ou The Smallest Man Who Ever Lived

4. So Long, London

3. The Black Dog

2. So High School

1. The Albatross

Créée

le 3 mai 2024

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