Après avoir évincé l'ensorceleur John Cale et son boucan électrique, Lou Reed mène désormais sa barque comme il l'entend, dans un studio à Hollywood. Pas de chance, à l'aéroport, le groupe se fait tirer une partie de son matériel, les pédales d'effet en particulier... A la manoeuvre, Lou Reed préfère alors les "jolies choses" à la distorsion et au vacarme "pour toucher davantage les gens", passant de la griffure à la caresse : "Nous sommes désormais un groupe joyeux et heureux..." Cet enfant terrible compose et chante donc de très belles balades aux textes subtils : "Je me suis rencontré dans un rêve et je veux juste te dire que tout va bien se passer. Je commence à voir la lumière." Véritable, bijou, Pale Blue Eyes touche droit au coeur. La meilleure chanson du Velvet ? Avec innocence, Doug Yule chante le mélodieux Candy Says, en fait les tourments d'identité de genre de Candy Darling. S'identifiant comme un fou, Lou Reed l'accompagne par des doo-wah très harmonieux. L'heure est à l'easy listening, une douceur très surprenante après l'abrasif, frontal et tapageur White Light/White Heat. La chanson The Murder Mystery sème quand même le trouble vers la fin, histoire de nous faire goûter le venin du Velvet, le piano déjanté signant bien l'ouvrage. Le coup des voix décalées - Reed et Yule sur un canal, Morrison et Tucker sur l'autre - accroche bien son monde. Album gracieux et intime, presque fragile, à l'image d'After Hours chanté par Moe Tucker, ce disque charme l'air de rien. Étonnamment, il s'est vendu encore moins que ses deux prédécesseurs. Cela dit, il n'y a absolument rien de mal à cela. Mais c'est à pleurer que ce groupe soit resté dans l'ombre : "la brigade noire qui ne voit jamais le soleil" dixit Reed, un brin amer.