Dix ans après avoir manifesté le désir de conjuguer un groove proche des pistes de danse et une mélancolie latente à l’appellation contrôlée de « trip-hop », Portishead revenait sur son silence assourdissant, déboulonné par le duo Goldfrapp qui fusionnait les genres avec audace et alors même que les cousins de Massive Attack faisaient dans la discrétion assurée à côté d’un Archive qui explorait déjà leur post-rock chiadé.
Figure de proue sur Third, Beth Gibbons reste toujours aussi dépressive dans son chant lancinant et plus que le bout du rouleau, on dira sans fioritures que sa fragilité entame le carton dès l’impeccable « Silence » qui rompt cette absence que l’on croyait définitive. Avec cette décennie volontairement mise à l’écart, l’évolution opérée façon Kid A de Radiohead tient dans cette atmosphère froide, pour ne pas dire glaciale, décomposée de guitares épurées, parfois relevée de quelques saturations ou bruitages surprenants (« Hunter »). Lancinant. Surtout, les divers projets des trois acolytes, solo ou non, leur ont donné l’agréable capacité de conserver la flamme, même substantielle.
Pas de chansons bubble-gum, ni de vaines tentatives pour rejoindre le peloton des jeunes à grand renfort bons sentiments. Après le triomphe des deux premiers albums, on peut remercier Portishead d’avoir su conserver une certaine modestie pour donner à Third, incontestablement un beau disque, faute de mieux, cette élégante sophistication qui n’en fait jamais trop. A coups de morceaux dissonants (« We Carry On »), secs (« Machine Gun »), tendus (« Plastic » en cousinage de Klaus Schulze), faussement apaisés (« Threads », le ukulélé de « Deep Water »), le groupe de Bristol mélange plus ou moins habilement folk, krautrock et musique industrielle. A ce petit jeu, on pourra se languir de tant d’affects et d’effets surlignés (« Machine Gun »). Fidèle à ses habitudes, Portishead n’en finit pas de naviguer entre feu de camps et marche funèbre. Les fans adoreront.
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