Sorti en fin d’année 2019, le nouvel album de SebastiAn, Thirst, vient conclure une belle année pour la musique électronique.
C’est un retour qui était anticipé, Total remontait déjà à 2011. Paru sur le label de la grande famille Ed Banger, ce premier album faisait preuve d’idées originales et d’un rapport particulier à l’électro : des compositions violentes, foudroyantes mais surtout terriblement libres. Aucune limite n’était imposée pour ce premier projet dont la quantité de morceaux pouvaient durer aussi bien 45 secondes comme dépasser les 3 minutes. Un album hargneux qui contrastait pour autant avec une pochette beaucoup plus douce : SebastiAn s’embrassant lui-même, symbole de l’égo grimpant d’un artiste dont la carrière décolle.
Thirst répond à la cover de Total par la désunion de l’artiste avec son propre égo : la relation a tourné au vinaigre, SebastiAn se bat désormais avec lui-même comme pour résister à une facette envahissante de sa personnalité, un Tyler Durden de la musique électronique. Et pourtant l’album se révèle bien plus calme et calibré que son prédécesseur, un contre-pied étonnant tout en restant bien ancré dans l’identité musicale du musicien français.
SebastiAn désamorce la violence du précédent album avec le morceau éponyme et introductif : celui-ci fait preuve d’une intensité sans pour autant, comme il le dit si bien, faire preuve de vrais éléments musicaux violents. Un morceau cathartique de cette animosité presque adolescente ? C’est bien possible, et quoi de mieux pour exprimer ce ressenti que l’oeil de Gaspar Noé ? Le clip plaira évidemment aux fans du réalisateur français. On pourrait même croire que la musique de SebastiAn est là, avant tout, pour servir l’image du réalisateur, d’une insoutenable brutalité.
Tout cela pour laisser place à la suite de l’album, qui est comme un puit de lumière par rapport à l’introduction. Quelques brèves « Totalesques » comme le morceau avec Charlotte Gainsbourg viennent rappeler le côté rock, et presque metal, de SebastiAn. Mais c’est pourtant bien des morceaux comme Run For Me, ou encore Better Now qui viennent nous marquer. L’ambiance mélancolique est presque inédite chez le DJ, comme un regret de l’adolescence du début de la décennie, en gardant seulement les aspects les plus poétiques.
Run For Me est une course à l’ivresse, tournant à l’échappatoire, une réalité qui rattrape bien vite le couple mis en scène dans le clip. Une chanson d’amour et de liberté nihiliste plus qu’efficace. Better Now, quant à lui, est une déclaration amoureuse du chanteur Mayer Hawthorne directement, adressée à un crush passager. Les morceaux n’explosent jamais vraiment mais sont plus comme une trame de fond à des situations ambigues, à des sentiments qui ne sont jamais tristes, mais non pour autant heureux.
Après 8 ans, SebastiAn étonne par une suite de Total très différente de ce dernier, plus adulte et moins identifiable à la fois. Un mélange d’émotions qui viennent décrire des situations d’amour passionnel, de violence, de liberté… Beaucoup de valeurs propres à un adolescent qui n’aurait pas grandi et qui n’aurait jamais su se défaire de ses démons.