Débit de boisson qui soule
Est-ce qu’écouter de la musique vintage fait de moi un ringard ?
La question mérite d’être posée.
Excepté le cas Amy Winehouse, la « blue-eyed-soul », littéralement soul aux yeux bleus, cette musique noire faite par de petits blancs-becs, n'a pas débouché sur grand-chose de passionnant ces dernières années.
J’ajoute également que le R’n’B de ces dernières décennies a plongé le soul man que je suis dans le marasme : voix « logicielisées », cordes synthétisées, cuivres aseptisés, rythmiques dépréciées et enfin oreilles traumatisées.
Après des années de « popérisation » du style, quelques-uns et quelques-unes, dopés par des maisons de disques peuplées de diggers en tout genre, ont su remettre au goût du jour des genres musicaux souvent remisés dans le rayon « has been » : Sallie ford, Sharon Jones, Mayer Hawthorne, Charles Bradley pour ne citer qu’eux.
Voici que déboule dans les arpèges, Nick Waterhouse, un jeune blanc-bec tiré à quatre épingles et binoclard façon Buddy Holly.
Il a fabriqué onze titres à l’ancienne de la production au look en passant par les scopitones et l’édition de 45t.
Quant au son, les plus avertis, rendront hommage à la sonorité analogique, le choix des micros, l’apport des cuivres et les chœurs féminins.
Nick Waterhouse dégage une énergie non feinte, j’irai jusqu’à dire qu’il envoie sèchement du bois. Ici la basse s’amuse, les saxophones s’affolent, la guitare s’active et les percussions rythment le tout avec des références bien ancrées.
Je cite sans vergogne la force d’Eric Burdon, l’exultation de Van Morrisson (tiens d’ailleurs est-ce un hasard cette reprise « I can only give you everything » ?), le blues de Sceamin’ Jay Hawkins et la facilité de Ray Charles
Je pourrais reprocher à Nick Waterhouse de nous servir de la soul aussi plate que de la flotte, il n’en est rien.
Contrairement à la réalité où la soul et le rock 'n' roll étaient beaucoup plus cloisonnés, Nick Waterhouse peut faire intervenir une guitare bien rockab' sur un titre rhythm 'n' blues (« Is That Clear »).
Il crée ainsi un mélange qui aurait été totalement impossible à l'époque, ne serait-ce que parce que de tels titres n'auraient pas été diffusés ni sur les radios de la communauté noires, ni sur celles écoutées par la majorité blanche.
Cette qualité musicale, nous la devons au groupe The Tarrots, musiciens de talents et aux chanteuses choristes, The Naturelles, qu’il emmène avec lui sur scène.
Il est temps pour moi de répondre à la question. Je cite donc N. Waterhouse dans le texte :
" La musique, elle est soit bonne soit mauvaise, elle a une âme ou non ".
J’écoute ses chansons, je pose le regard devant moi et d'un geste, je jette le ringard par-dessus l'épaule.