"Nul besoin de me démasquer,

Car je ne ressemble à aucun de tes ex,

Nul besoin de contaminer,

De m'intoxiquer par ton Virus X."


Ava Gardner et Frank Sinatra, roulant en riant dans le désert, la voiture fendant la nuit, au bruit des coups de revolver que Frank tire en l'air, sous le coup de l'euphorie amoureuse, tirer, la nuit, sur les étoiles. C'est sous cette image tirée d'un documentaire sur ladite Ava que se profile le grand retour d'Etienne Daho, ce nouvel album, retour aux fondamentaux d'Eden (1996) après l'incartade néo-psyché noire de Blitz. Alors aujourd'hui on parle de Tirer La Nuit Sur Les Etoiles, quinzième album du dandy rennais, sorti chez Barclay le 12 mai 2023.


C'est entre Londres, Paris et Saint-Malo que ce nouveau recueil a vu le jour, sur les terres de l'élaboration de ses premiers succès, dont La Notte, La Notte, sublime et culte album de 1984. Bien entouré, par Jean-Louis Piérot, Calypso Valois, Unloved ou Yan Wagner, Daho a peu à peu préparé sa nouvelle célébration de l'amour. Cela peut paraître niais, et au fond chez n'importe qui d'autre cela l'aurait sans doute été, mais pas, jamais, chez Daho.


Basse groovy, rythmes quasi-tribaux et technoïdes, guitares discrètes ou saturées, Tirer La Nuit Sur Les Etoiles semble une parfaite synthèse stylistique de ses derniers albums, l'hédonisme de L'Invitation (2007), les orchestrations luxueuses et luxuriantes des Chansons de l'Innocence Retrouvée (2013) et la profondeur quasi-techno de Blitz (2017). Mais là aussi, Daho surprend, comme toujours ...


Il avait déjà offert trois avant-goûts de l'album, le groovy et chaloupé "Boyfriend", sorti le jour de la Saint-Valentin, ode à l'amitié amoureuse à la basse claire, un vrai succès. A suivi "Le Phare", ballade gospel plus classique, à l'influence bretonne, au niveau des ambiances, indubitable. Et enfin, la chanson-titre, dévoilée trois jours avant la sortie finale du disque, magnifique et hypnotique duo avec Vanessa Paradis, sur une rythmique jungle et une ligne descendante, absolument classieux. Ce titre me fait d'ailleurs beaucoup penser à l'introduction d'Eden, "Au Commencement" ...


"Boyfriend" et "Tirer La Nuit Sur Les Etoiles" ont d'ailleurs bénéficié de vidéoclips élaborés par le Studio L'Etiquette, faisant naître cette ambiance glamour et délicieusement underground (notamment pour "Boyfriend").


Mais le reste de l'album ne dénote pas, et offre de nouveaux classiques au répertoire intemporel d'Etienne Daho. Citons "Le Chant Des Idoles", métaphore à peine camouflée de la situation en Ukraine, sur un fond musical assez indus, ou "Respire", ballade jouée sur le piano des Beatles, réflexion douce sur les années COVID. Daho aime ça, il écrit des chansons sur ce qui le traverse, sur l'actualité, sur l'environnement qui l'entoure, comme Blitz a pu être ce constat des années post-attentats. Mais l'homme n'explique jamais, chacun voit ce qu'il veut voir (ou plutôt entendre) dans son travail.


On retrouve aussi "Virus X", que l'on avait déjà croisé sur un single publié en 2020 (étant donné l'année, le titre est plutôt explicite) ou les deux charmantes ballades "Comme Deux Aimants" (à prendre dans tous les sens du terme) et "Les Derniers Jours De Pluie", la première bénéficiant d'une belle montée en puissance de la mélodie et la seconde étant très chaloupée, tout à fait dans le style Daho.


Comme sur Blitz, Tirer La Nuit Sur Les Etoiles propose un duo avec Jade Vincent, la chanteuse d'Unloved, proches collaborateurs d'Etienne Daho. Ici c'est "I've Been Thinking About You", petite pépite pop détendue, assez comparable à ce qu'on a pu trouver sur Surf, son album de reprises.


L'album se conclut sur le mélancolique "30 Décembre", qui aurait pu sans souci avoir sa place sur L'Invitation, le techno et très dansant "Les Petits Criminels", aux claviers assurés par Yan Wagner, à placer du côté de "Virus X". Le dernier titre, "Roman Inachevé" est le récit d'une rupture orchestré avec comme toile de fond Paris et le Camille Bar, assez baroque et dramatique en réalité, bénéficiant d'un climax des plus captivants...


Tirer La Nuit Sur Les Etoiles est une célébration des retrouvailles avec le vrai style Daho, une certaine signature qu'il se plait à réactualiser au fil de ses pérégrinations musicales. Blitz constituait une parenthèse stylistique dans sa carrière, et Daho revient dans la continuité de l'oeuvre qu'il propose depuis Eden, une pop toujours originale et appréciée, et d'une élégance absolue.


L'album est au final presque conceptuel, puisqu'il commence par la fête de l'amour naissant (la chanson-titre), la confirmation d'une relation statuée ("Boyfriend"), le manque ("Comme Deux Aimants", "I've Been Thinking About You", la consécration de l'être aimé ("Le Phare") et s'achève par la rupture, pluvieuse qui plus est, pleine l'incompréhension et de rancoeur ("30 Décembre", "Les Petits Criminels", "Roman Inachevé"). C'est un recueil absolument convaincant, qui saura séduire les oreilles des fanatiques ou des profanes. Il compte plusieurs hits potentiels ("Boyfriend" ou la chanson-titre, que matraquent les radios) qui hanteront sans doute les charts et les dancefloors de cet été, déjà "sans fin" ...


Tirer La Nuit Sur Les Etoiles, "je te dis oui".



"Boyfriend"


"Tirer La Nuit Sur Les Etoiles", en duo avec Vanessa Paradis


"Virus X"


Tirer La Nuit Sur Les Etoiles, full album


Lien vers ma chronique de Blitz

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le 16 mai 2023

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