Une diva à vie...
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le 10 juin 2021
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Pour ma première critique sur ce site, j'ai décidé de m'attaquer à un chef d’œuvre de l'opéra italien, bénéficiant à ce titre d'une discographie des plus prolifiques, je veux parler de Tosca de Giacomo Puccini.
Resituons un peu l’œuvre dans son contexte : En 1889, Puccini eut connaissance qu’à Paris, une pièce fit sensation : Tosca de Victorien Sardou, avec dans le rôle principal, Sarah Bernardt.
Puccini demanda alors à son éditeur Ricordi de lui obtenir les droits d’auteur pour l’adaptation de cette pièce en opéra. Seulement, Ricordi confia la mise en œuvre musicale à un autre compositeur, Alberto Franchetti.
Puccini insista auprès de son éditeur : « Tu n’imagines pas le désir que j’éprouve pour Tosca, il est bien plus fort que celui de Scarpia ».
Ricordi convainquit donc Franchetti d’abandonner le projet. Puccini se mit au travail. La création eut lieu le 14 janvier 1900 au Théâtre Costanzi à Rome, mais comme La Bohème ou Madame Butterfly, deux autres opéras du compositeur, ce fut un échec.
Et pourtant, quelques mois plus tard, Tosca fit salle comble à La Scala, Buenos Aires et au Covent Garden.
Il faut noter également que la pièce originale comportait 4 actes, et Puccini réussit à obtenir de Victorien Sardou de supprimer l'acte 2 de la pièce d'origine. Celui-ci accepta à la condition de garder le final violent et tragique de son œuvre.
Après ce point historique, entrons dans le cœur du sujet, à savoir, cet enregistrement de 1953 dirigé par Victor de Sabata, l’orchestre et les chœurs de la Scala de Milan, avec dans les rôles principaux : Maria Callas, Giuseppe di Stefano et Tito Gobbi.
Cette version est sans nul doute l’une des meilleures de la discographie, sinon la meilleure : le plateau vocal est excellent et Sabata nous offre une vision musicale très méticuleuse.
L’orchestre sait rendre chaque couleur, chaque atmosphère, avec une précision redoutable.
Chaque motif musical est mis en valeur comme dans l’opéra wagnérien : motifs d’Angelotti, de l’Attavanti, de Scarpia, le plus fréquent, puisqu'il est l'élément moteur du déroulement de l'histoire.
L’orchestre répond ici profondément à l’action, la rendant assez fluide pour en donner une version quasi filmographique.
En ce qui concerne les voix, Maria Callas est excellente, à l’apogée de sa carrière.
Le rôle de Tosca, malgré son apparente simplicité, est en réalité un rôle difficile à soutenir vocalement et psychologiquement : la chanteuse doit posséder un timbre de soprano dramatique avec un éventail de couleurs sonores exprimant les différentes facettes du personnage : la jalousie, la fragilité, la passion jusqu’au meurtre et au suicide.
Callas fait bien plus que d’interpréter le rôle, elle est Tosca : sa palette de couleurs, de sentiments, de nuances vocales est prodigieuse.
Il suffit d’écouter son air Vissi d’arte, ou le final lorsqu’elle prononce « O Scarpia avanti a Dio… ».
Le rôle de Scarpia requiert une voix de baryton sombre et large dramatiquement : malgré un cynisme prononcé, un comportement abject, Scarpia est un homme cultivé, avec une certaine classe (baron, chef de la police), ce qui en fait un personnage d’autant plus inquiétant et dangereux. Ce n’est pas une simple « vermine » illettrée.
Malgré cette apparence sociale, il reste un homme seul et mourant d’amour qu’il va odieusement compenser par un chantage soutenu auprès de Tosca (Acte 2).
Tito Gobbi a compris à merveille ce personnage, ce qui en fait un Scarpia exemplaire : cruel, fourbe, froid, machiavélique, d’une grande souffrance affective, mais il ne tombe jamais dans le grotesque.
Il faut écouter son cynisme dans le Te Deum du final du premier acte, où il réclame à cris perdus Tosca.
Pour interpréter le rôle de Cavaradossi, peintre malheureux, un ténor à la fois romantique et dramatique est recommandé afin de traduire sa mélancolie artistique et amoureuse (Recondita armonia) aussi bien que le désespoir (E lucevan le stelle).
Force et virilité s’inscrivent aussi dans l’air héroïque Vittoria !, exprimant l’aspect révolutionnaire du personnage après la victoire de Napoléon à Marengo, bien qu’il soit en souffrance après la torture infligée par les sbires de Scarpia.
Giuseppe di Stefano campe à merveille ce rôle : il s’agit de l’une des meilleures versions enregistrées même si l’on sent toutefois une usure vocale, particulièrement dans les aigus.
Mais sa complicité avec Callas, lui permet d’avoir le style adéquat pour ce rôle : passion, tendresse et révolte.
Dans les rôles secondaires, Franco Calabrese et Melchiore Luise sont également très bons dans les rôles d’Angelotti et du sacristain - bien que Melchiore Luise appuie un peu trop les caractéristiques du sacristain, rôle de basse bouffe certes, mais ici avec quelques exagérations vocales dans sa présentation E sempre lava -.
En résumé, il s’agit d’une excellente version qui, malgré son âge (près de 58 ans), est restée intacte, et ce doit d'être écoutée par tous les adorateurs de Callas et de Puccini. D'ailleurs Maria Callas reprendra le rôle de Tosca quelques années plus tard, en 1965, dans un enregistrement dirigé par le chef français Georges Prêtre, accompagnée du ténor italien Carlo Bergonzi, et encore une fois de Tito Gobbi. Si le jeu dramatique gagne en intensité chez Callas, sa voix elle, est fatiguée et n'a plus la splendeur des jours passés.
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Créée
le 27 juin 2018
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