Partir, revenir : voilà qui qui résumerait la situation de celui qui venait de quitter le giron paternaliste Virgin pour son concurrent direct de l'époque Warner. Avec, sous le bras, l'objet de la renaissance officielle, le phœnix tubulaire en guise d'assurance. Pour ce nouveau départ vers l'inconnu, il fallait bien ce pied de nez format Cyrano. Rien d'étonnant pourtant. Cela faisait un bail que le père Oldfield refusait obstinément cette suite à Richard Branson, arguant son manque d'intérêt caractérisé pour la simple idée d'une suite. Mais après avoir vu amputer son magnum opus Amarok (bassement vendu comme un simple Ommadawn 2), l'idée fît son chemin, histoire de suriner définitivement le cordon avec le milliardaire.
Les temps avaient changé. Pour rassurer son entourage de ne pas trop coller aux accents maniaco-dépressif du premier volet, psychothérapie musicale caractérisée, Oldield qui avait refait appel à Tom Newman aux manettes (déjà présent sur le premier volet), se fît épauler par le très tendance Trevor Horn, alibi idéal pour qu'on lui fiche la paix. Ce dernier avouera d'ailleurs : « Mike se suffisait à lui-même. Tom et moi restions assis à l'arrière du studio et nous le regardions interpréter presque tous les instruments, s'occuper de l'enregistrement, sans l'ombre d'un indice sur ce qui se passait ». Pourtant, l'empreinte lumineuse dégagée par le mixage final lui devra énormément. Les amateurs de raretés peuvent aujourd'hui s'amuser à débusquer sur la toile quelques extraits et démos certifiés « De-Trevored » avec un résultat nettement plus charbonneux, proche de l'esprit original.
Dans ce Tubular Bells II, Mike Oldfield créé un univers sonique patiné, structuré autour de variations sereines où les styles se télescopent, se répondent, s'engueulent, s'enlacent. La grâce de l'épatant « Sentinel » (inspiré par l'œuvre de l'écrivain Arthur C. Clarke), le déluge atmosphérique de « Dark Star » (où se profile l'ombre du film de Carpenter sorti la même année que Tubular Bells) et de « Red Dawn » avec la voix, splendide, de la soprano Sally Bradshaw, impressionnent par leur justesse. La production, pas vraiment branchouille alors que le grunge explose, pourra être jugée trop lisse mais elle enveloppe l'album d'une subtilité idéale. Même le fameux « The Bell » prend de l'ampleur, porté avec la voix « so british » de l'acteur Alan Rickman.
Sophistiquée, la seconde partie offre un « Weightless » d'une légèreté et d'une beauté diaphane à pleurer. Le moindre détail est soigné, ramené sur le travail, délié. Les instincts celtiques de « The Great Plain », les morsures de « Altered State » (avec la frangine Sally), la volupté de « Maya Gold », qui se joue des harmoniques avec délectation, les morceaux portent les tonalités en clair-obscur d'un folklore qui s'achève sur la délivrance au western-banjo « Moonshine ». Juste aboutissement des choses, Tubular Bells II dépasse le simple cadre de la reconstruction. Comme situé de l'autre côté du miroir, l'émotion tient ici par le simple jeu de la reconstruction. En fonction de votre humeur, cet ensemble mature et impérieux, pourra même être préféré au premier épisode.
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