Si on m'avait dit, quand nous avons découvert le packaging du nouvel album de Turisas, si on m'avait dit à ce moment là que c'était un album que j'allais adorer, et même plus, je n'y aurait pas cru. Il faut dire que ce Turisas 2013 n'a pas grand chose pour lui : la pochette est banale, le titre ridicule, et puis les précédents albums de Turisas m'ont laissé de marbre, à vrai dire je n'étais pas vraiment fan, si ce n'est de la reprise de Rasputin.Oui, Rasputin, de Bonney M, enfin c'est connu.
C'est donc un choc cataclysmique quand je découvre For Your Own Good et Ten More Miles, les deux morceaux qui ouvrent cet album : deux putain d'hymnes, deux joyaux de gaieté, de second degré, de faux kitsch et d'intelligence, et surtout, deux constructions mélodiques admirables, simples et très ancrées dans un style épique et/ou cinématographique, faisant autant penser à Rhapsody qu'à Morricone ou John Williams. Il se trouve que je vénère ces deux compositeurs, et constater que Turisas avait décidé de faire du Indiana Jones metal au second degré m'a fait grand plaisir.
C'est, je trouve, une des très bonnes idées de l'année. Évidemment, on rit en entendant :
Who will be there when the skies turn grey?
- Turisas! You can count on us !
Who's gonna push you through heavy days?
- Turisas! Rugged and robust !
Rugueux et robuste, tout un programme.
Mais le plus incroyable c'est qu'effectivement, la journée est un peu tristoune, il fait gris et vous êtes coincé à la maison, croyez-moi, vous pouvez compter sur Turisas pour secouer vos zygomatiques !
Le plus fort est d'avoir su rallier au mauvais goût volontaire des paroles cheap ou exagérées une gestion mélodique des plus soigneuses : pas de morceaux en berne (ou presque), pas de gimmick bas du front par habitude, les neufs morceaux de cet album, s'ils ne se valent pas tous évidemment ont au moins en commun de s'appuyer sur une structure rythme/mélodie qui tient vraiment la route, et c'est pas peu dire dans le « Battle Metal ». J'ai envie ici et maintenant de rebaptiser ce style : cessons ce Battle Metal ridicule, Turisas c'est du metal, de la musique, un truc puissant et aéré, qui t'emporte au loin, te fait marrer, te change les idées, te fait vibrer, bref, adoucit les mœurs. Sur cet album au moins, faut pas pousser Mémé.
A l'envi, Piece by Piece plus épique, Into The Free plus classiquement folk, Run Bhang-Eater, Run en speed-polka érotique, Greek Fire, légère baisse de régime moins réussie, et puis l'excellent The Days Passed où je suis sûr que Mathias (Nygard) exagère son accent histoire de rigoler un peu, l'hymne speed éthylique bien fendard No Good Story Ever Starts With Drinking Tea, et surtout, la perle, le chef d'oeuvre, la tuerie monstrueuse, au croisement du folk metal teuton, de la dernière croisade et de quelques dollars supplémentaires, We Ride Together.
Je ne sais pas si nos gais-lurons, en voulant se marrer un bon coup, se sont rendu compte qu'ils avaient écrit un morceau de ouf, je l'espère pour eux, toujours est-il que ce We Ride Together est un des morceaux de l'année. Pas des plus originaux, c'est certain, mais des plus inattendus, si vous saisissez la nuance. On en a entendu du hollywood metal chiant comme la pluie, à se prendre au sérieux avec des longues pièces épiques, larmoyantes et/ou cucul la praline. Ici, point. Pas de temps mort, à peine quarante minutes, sans respiration, enfin, si, enfin je n'en dit pas plus, y a du souffle. Ça c'était étonnant aussi, cet hommage à Donna Summer. Y a comme un thème chez eux, ils doivent vraiment aimer le disco.
Résumons : du fun, du metal, des trompettes et des gonzesses, le tout mis en avant par des rythmiques puissantes et des mélodies étonnamment ingénieuses, une grosse surprise que ce Turisas 2013, et un album à ne manquer sous aucun prétexte.