Neil Young a toujours clamé haut et fort détester Time Fades Away, son album live de 1973 qu'il considère comme le pire de sa carrière. Rien que ça ! (remember Landing on Water ?) Au point qu'il a toujours refusé de le sortir en CD. [Il est finalement paru en août 2017, dans les "Official Release Series 5-8" et indépendamment en 2022].
Pour combler le vide laissé par ledit album dans sa discographie, et pour illustrer la tournée qui a suivi le succès de Harvest, il a concocté ce Tuscaloosa, présenté comme un Time Fades Away II.
Il reprochait à l'album original d'être le témoin d'une tournée désagréable, faite avec un groupe mal monté qui ne s'entendait pas et qui ne lui convenait pas ; c'est-à-dire Johnny Barbata (batteur), qui a succédé à Kenny Buttrey, présent sur Tuscaloosa.
Sur Decade, la très bonne anthologie de 1976, il n'y a d'ailleurs aucun extrait de Time Fades Away. Young expliquant que les histoires de fric l'avaient dégoûté de la tournée et de l'album et que, plutôt que satisfaire le public avec une resucée de Harvest, il avait préféré à l'époque montrer les choses telles qu'elles avaient été, avec des chansons que personnes n'avait entendues auparavant sur disque.
Changement à cent quatre vingts degrés donc en 2019, puisque Tuscaloosa est tout le contraire : la moitié du disque est consacrée aux interprétations live d'extraits de Harvest ("Out on the Weekend", "Harvest", "Old Man", "Heart of Gold", "Alabama") qui n'apportent absolument rien aux versions studio. Au contraire ("Out on the Weekend") ! Les amateurs de pedal steel guitar seront ravis. Pas moi ! Pour le reste, on a deux extraits du futur Tonight's the Night ("Lookout Joe" et "New Mama") et deux morceaux anciens en ouverture ("Here We Are in the Years" qui est peut-être finalement le titre le plus sympa du lot, et l'incontournable "After the Gold Rush").
De Time Fades Away, il ne reste que "Time Fades Away" et "Don't Be Denied". C'est bien mince. En tout cas, la différence entre ces versions et celles qui sont sur Time Fades Away ne sont pas si flagrantes. Neil chipote.
Lorsque Young parlait d'un Time Fades Away II pour se substituer à l'original, on pensait à un contenu quasi-similaire, mais joué cette fois avec le groupe qu'il appréciait et qui officiait un peu plus tôt à ses côtés cette année-là. Eh bien, pas du tout. On doit se retaper pour la 429e fois les mêmes chansons et on perd "Yonder Stands the Sinner", "L.A.", "The Bridge" et "Last Dance". "Love in Mind" et "Journey thru the Past" sont déjà présentes sur Live at Massey Hall. Leur absence n'est donc pas gênante.
Au bout du compte, Tuscaloosa ne s'adresse qu'à l'inconditionnel de Young et de Harvest. Ce n'est vraiment pas un disque qui sert à grand chose si on possède déjà le reste de sa discographie
Maintenant, on va aller se réécouter Time Fades Away qui est tout de même un des deux meilleurs albums de Neil Young, quoi qu'il en dise. Et rappelons une nouvelle fois que John Lennon détestait Abbey Road, que Tchaïkovski détestait son Casse-noisette, que Kafka avait demandé qu'on brûle l'intégralité de son œuvre après sa mort, que Prince détestait son black album, etc...