Ultime révolution d'une brillante année 73, le second album de la "Secte de l'Huitre Bleue" avait tout pour marquer l'imagination des kids chers à Yves Adrien, qui sonnait la charge dans Rock & Folk, et qui présentait "Tyranny & Mutation" comme l'avant-goût, onze ans avant, d'un 1984 forcément orwellien : une esthétique radicale (architecture totalitaire dans l'espace intergalactique, cette sorte de choses...), des visions apocalyptiques d'un avenir infernal (ou vice-versa) et une musique sidérante de tension et de dureté (une sorte de synthèse du métal encore civilisé à l'époque avec le second degré qui se manifestait dans le rock glam). On ne savait pas s'il fallait rire ou avoir peur, ce qui était encore nouveau, et excitant.
Dès les premières notes de "The Red & the Black", remake impitoyable d'un titre du premier album (qu'il faut écouter si possible dans la version superbement remastérisée de 2001, corrigeant certaines faiblesses de la production initiale de Sandy Pearlman), les choses sont claires : le Blue Öyster Cult se détache de la tradition du "hard rock" de son époque pour aller chercher une radicalité plus moderne. D'emblée, "Tyranny and Mutation" impressionne, avec cette première face qui enchaîne sans pause pour reprendre son souffle quatre titres lourds, très lourds, et qui culmine avec un "Hot Rails to Hell" au son incendiaire, retrouvant (et ce sera unique dans la carrière du Blue Öyster Cult, groupe avant tout cérébral et mélodique) quelque chose de la fureur "stoogienne".
Je n'avais guère plus de 15 ans à l'époque, et cette première face me marqua à jamais, me détournant d'ailleurs pour toujours - par une réaction assez paradoxale, quand même - du heavy metal (que je n'écouterai quasiment jamais plus de ma vie, hormis les albums du BÖC !!!). Peut-être d'ailleurs sera-ce la mort par suicide de l'un de mes plus proches amis, avec qui j'avais partagé la gloire de "Tyranny and Mutation", qui scellera et ma fidélité éternelle au Cult, et mon désintérêt pour le "metal" ?
Mais revenons à cet album, qui fait incontestablement partie de la période glorieuse du groupe, mais qui n'est jamais non plus devenu l'album préféré d'aucun fan du groupe. Est-ce l'exagération de cette première face ? Est-ce le fait que, objectivement, il y a bien moins de grands morceaux ici que sur son prédécesseurs ? Toujours est-il qu'au cours des décennies et des décennies de concerts qui suivirent, le groupe ne joua jamais sur scène beaucoup de titres de cet album, qui lui avait pourtant valu en 1973 une grosse notoriété.
La seconde face, un peu sur le modèle du premier disque, marque un changement net de registre, plus pop, plus mélodique, parfois encore psychédélique. Les deux meilleurs morceaux y sont indiscutablement "Wings Wetted Down", avec son refrain parfait, et surtout le final, "Mistress of the Salmon Salt" formidable chanson injustement oubliée dans le répertoire du groupe.
Mais, et quel que soit l'avenir réservé aux chansons de ce second album, le Blue Öyster Cult était enfin lancé. Et on en attendait de grandes choses...
[Critique écrite en 2021, sauf l'introduction datant de 1996]