En janvier 2012, après sa désastreuse performance au Saturday Night Live, Lana Del Rey déclarait « Je pense que les gens qui écoutent ma musique depuis quelques temps savent que je suis une auteure, une chanteuse de studio ». Une honnêteté que beaucoup ont assimilée à une défense désespérée, comme si la star se raccrochait aux dernières branches pour expliquer la raison de son naufrage. Mais ça, c’était avant la sortie de Born To Die, de ses concerts à guichet fermé et de la pluie de récompenses qui s’ensuivit. Depuis deux ans, Lana Del Rey est devenue un phénomène planétaire reconnu pas simplement pour son joli minois, mais surtout pour son talent d’auteur et de metteur en scène lyrique. Loin du buzz qui l’avait propulsée il y a trois ans, la jeune femme a changé. Dans Ultraviolence, un mot qui fait sans doute écho à ceux qui n’ont pas été tendres avec elle à ses débuts, la jeune femme se construit un univers sombre et poétique.
C’est toujours compliqué d’écouter cette artiste en été. On sait très bien à quoi s’attendre : la dépression, la cruauté, l’opportunisme et une noirceur qui ferait passer Michael Haneke pour le directeur de l’Île aux enfants. Juste de quoi flinguer sa bonne humeur pour tomber dans les limbes de notre existence. Et pour ne pas nous faire mentir, Lana Del Rey ne se trahit pas avec ce troisième album qui est une nouvelle ode au personnage vintage qu’elle a fomenté avec brio. Le coup marketing est devenu une seconde identité et les plus sceptiques sur sa sincérité sont forcés de reconnaître leur erreur. D’une évidente passion pour le cinéma, la chanteuse n’a pas manqué de marquer cet univers avec sa participation à deux films très visuels, Gatsby le Magnifique et Maléfique. On retrouve d’ailleurs la beauté ténébreuse du second dans l’ensemble d’Ultraviolence.
Neuf des onze titres que compte cet opus ont été produit par Dan Auerbach des Black Keys, il n’est donc pas étonnant d’entendre plus de guitare que dans Born To Die sans pour autant en abandonner ses chers violons. Le rendu final est également moins brouillon que son prédécesseur, plus logique. Exit les sons hip-hop de National Anthem ou Off To The Races (de bonne facture tout de même), place à un univers cohérent et fidèle du début à la fin de l’opus. Un exercice dans lequel on la sent plus à l’aise.
La Lana Del Rey de cet album veut Money Power et Glory pas dupe de l’Ultraviolence de ce Cruel World. On peut jouer à ce petit jeu avec tous les titres de l’album. Sa magnifique voix, un ton plus grave qu’auparavant n’a rien perdu de sa sensualité, de sa classe, de sa mélancolie et de sa beauté. Bref, on a retrouvé notre Lana au maximum de son potentiel.
C’est quand même au choix une sacrée prise de risque ou du génie totale de sortir son Ultraviolence quelques mois après le prolifique Happy de Pharrell Williams. Surtout que loin de l’usine à tubes qu’était Born To Die, ce nouvel opus est beaucoup moins accessible. Pour nous en tout cas, si c’est de l’Ultraviolence, nous sommes masochistes. Lana Del rey est tout simplement celle qui manquait terriblement à notre époque. Injustice réparée.