Deux univers s'opposent farouchement à l'écoute du Uncle Meat de Frank Zappa & The Mothers of Invention. Une première partie majoritairement orchestrale, bizarre et noise, qui rentre parfaitement dans le cahier de charges du No Commercial Potential avec son lot de morceaux très courts, brefs instants bricolés sortis de l'esprit fou du collectif et de son chef d'orchestre à la moustache généreuse et une seconde en forme d'introduction au rock progressif pur et dur modestement appelée King Kong.
S'il ne ressemble à rien et pourrait s'intituler lui aussi Absolutely Free ou Freak Out! Part.2, Uncle Meat est mieux produit, plus écoutable et orchestré, mieux agencé que les opus précédents de Zappa à l'exception de Ruben & The Jets dont on ne sait pas trop s'il s’avérait être un hommage appuyé au Doo-wop ou une énième moquerie. Par moments inécoutable (des violons free encore plus torturés que chez John Cale), voire agaçant (les instants parlés sortis d'un chapeau de mage fumeux), l'ensemble trouve une conclusion phénoménale avec King Kong, segments jazzy et free sidérants, bruitistes et engagés, probablement ce que Zappa a orchestré et joué de mieux depuis ses débuts, gorgé de riffs wah-wah destructeurs et de variations autour d'un thème unique, évoquant tour à tour Soft Machine et le King Crimson des débuts quand ils en avaient encore dans le pantalon. Sous couvert d'un concept fumeux (celui qui ne doit pas marcher), Zappa accouche d'un ovni inégal mais parfois lumineux.