À mon arrivée en école de musique on ne cessait de me parler de ce groupe comme d'un messie, qu'il fallait absolument que j'écoute, que c'était des génies, et j'en passe. Rebelote avec mon arrivée sur SensCritique où Unknown Pleasure se voit attribué une place tout à fait honorable dans le top 111 et croule sous les éloges des membres.

Ainsi pour ne pas rester captif derrière les barreaux de ma mauvaise foi me prit un jour où je décidai dans un élan d'impulsivité de faire l'acquisition des deux albums du groupe. Ni une ni deux j'envoie la première galette du quatuor dans la voiture sur le retour.

Première constatation, une batterie kitsch à souhait, une production molle et brumeuse largement aidée par ces guitares chialeuses et crasseuses. Il est vrai que jusqu'à là, le rock avait toujours cherché dans son évolution à accrocher son public, que ce soit par l'emploi de riffs efficaces et dansants (rockabilly), de parties vocales consonantes, entêtantes et aux paroles légères (pop rock), d'ambiances raffinées et de virtuosité (prog rock). On se rend vite compte que ce n'était pas le but des divisions de la joie, qui balancent leur univers glauque et mortifère à la gueule de l'auditeur avec un charmant "débrouille-toi avec ça". Pourtant j'aime pénétrer dans le monde musical d'un groupe qui ne laisse pas toujours de porte d'entrée grande ouverte, mais la musique hermétique et claustrophobique de Joy Division, largement appuyée par la voix de vautour agonisant sous Prozac de Curtis ne m'inspire qu'une répugnance elle-même entachée d'ennui.

Surtout que Disorder, premier titre de l'album est sûrement l'un des plus accessibles, il m'est vite venu l'envie d'arrêter et de balancer le disque par la fenêtre tant toute la noirceur des ambiances d'Unknown Pleasure devenait insoutenable. C'était sûrement le but de Joy, un voyage qui n'amène nul part. L'expression totale du désespoir, de la mort.

Certes il y a une certaine beauté malsaine que l'on peut retrouver dans les abysses de cette dépression mise en musique, c'est peut-être l'essence du groupe. Et j’admettrais que je peux comprendre la fascination qu'ont tant de mélomanes à l'égard de la formation de Manchester. Cependant, dans la mesure où je considère personnellement la musique comme l'expression de la vie et de ce que la vie ne peut exprimer autrement, j'aime moyennement qu'on me traîne dans un cimetière sonore en criant au génie.

Peut-être suis-je passé à côté de quelque chose de grand, bien que j'apprécie davantage Closer, mais pour l'instant la seule utilisation que je vois à ce disque serait de le diffuser à mon enterrement.
ArtificialSun
4
Écrit par

Créée

le 22 mars 2014

Critique lue 2.3K fois

22 j'aime

ArtificialSun

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

22

D'autres avis sur Unknown Pleasures

Unknown Pleasures
Sergent_Pepper
8

Critique de Unknown Pleasures par Sergent_Pepper

Il fait un froid poisseux, sans neige. Ou plutôt : la neige a fondu, noircie par la circulation. On s'y embourbe dans la solitude et la dépression. De temps en temps, un cri vers le ciel. Unknown...

le 3 oct. 2013

36 j'aime

1

Unknown Pleasures
Toholl
4

Plaisirs inconnus... vraiment inconnus

Unknown Pleasures est un immense paradoxe pour moi, en cela qu'il est l'un des très rares albums à réveiller mon caractère bipolaire. Je n'ai pas aimé écouter cet album. A part deux ou trois chansons...

le 5 mars 2015

24 j'aime

16

Du même critique

Je pense trop
ArtificialSun
4

...mais pas assez pour cet ouvrage

Avec le quasi-axiomatique postulat d'une expé des années 70 qui soulève qu'une mineure partie de la population utilise son hémisphère droit plus que le gauche, Petitcollin tente de démontrer que la...

le 11 mai 2016

13 j'aime

2

For Long Tomorrow
ArtificialSun
10

Et si nous mettions un haïku en musique ?

Toe fait partie de ces perles rares sur lesquelles je me réserve de coller une étiquette. Musique majoritairement instrumentale, il est tout autant difficile de définir par les mots le voyage...

le 4 nov. 2013

8 j'aime

Lateralus
ArtificialSun
10

Ode à la vie, méditation musicale...

J'aborde ce titre de Tool plus comme une oeuvre philosophique dans ses propos... Car utiliser la séquence de Fibonacci pour donner une chanson proche de la perfection rythmique et formelle c'est...

le 23 janv. 2014

8 j'aime

1