Velocifero
7.3
Velocifero

Album de Ladytron (2008)

Ça commence comme ça.


Par une longue introduction. Des rythmes métalliques. Un thème au synthé menaçant, puis la voix glacée de Mira Aroyo dictant ses paroles en Bulgare (sa langue natale)… Il y a comme du changement dans l’air chez Ladytron. Ils ont mis les petits plats dans les grands grâce à une production, en tout point, énorme. Velocifero est donc à l’image de son titre marquant et agressif : rutilant et dominateur. Le parfait blockbuster dance indus pop un peu shoegaze et toujours profondément post-punk dans l’esprit.


Par rapport à Witching Hour, cet album en est la version plus. Plus de synthés, plus de nappes de guitares noisy, une efficacité encore plus accrue (grâce à un paquet de refrains mémorables et de rythmes remuants), plus tout en fait. Le quatuor n’a pas baissé son exigence en termes de mélodies toutefois en dépit des énormes moyens mis en œuvre pour ratisser large. Si « Black Cat » tétanise en tant qu’entrée en la matière sombre et sexy (aaaah pourquoi Mira ne chante, ou du moins, parle-t-elle pas plus en Bulgare ?), l’enchaînement des trois pistes suivantes est tout aussi dévastateur. La ténébreuse « Ghosts » n’a rien à envier au meilleur de Curve avec son groove froid et chaloupé. « I'm Not Scared » s’enveloppe dans un brouillard de guitares et de synthés "dronesque" très shoegaze dans l’esprit et « Runaway » est le genre d’hymne qui ne peut que frapper par son évidence (à l’image de l’irrésistible « Destroy Everything You Touch »).


Ladytron a beau s’habiller d’un manteau volontairement gris et froid, donc tout à fait dans l’esprit des 80s (la décennie la plus sombre et glaciale de ces 100 dernières années pour rappel), ils ont l’intelligence de nuancer leurs intentions pour éviter que toute trace de monotonie apparaisse. On tombe nez à nez devant le gothique « Burning Up », la space techno symphonique (hé si) de « Deep Blue » ou bien la reprise de Shturcite (« Kletva ») qui pourrait être le générique d’une vieille émission télévisée soviétique (avec une Mira démontrant de nouveau ses charmes de fille de l’Est).


Ça n’empêche pas que derrière cette armature de rythmes d’acier (le martial « Predict The Day ») et de sonorités grésillantes, il y a toujours ce qui fait de ce groupe autre chose qu’une simple sucrerie à consommer aussi rapidement qu’à oublier : une mélancolie qui noue la gorge. Beaucoup parlent souvent de la superbe conclusion « Versus », parce que c’est le seul instant de leur carrière où l’un des deux hommes de la bande (Daniel Hunt) vient donner de la voix en compagnie d’Helen Marnie. On doit également évoquer les merveilleux « They Gave You a Heart, They Gave You a Name » et « Tomorrow ». Le premier pour sa délicieuse naïveté et le second pour son refrain plein d’entrain mais dissimulant des fêlures. Ce qui rend les apparences bien plus compliquées qu’elles ne le sont réellement.


Tout ce qui fait leur grande force peut être résumé en une phrase : cette sensation d’être bien sans pour autant être complètement dans son assiette. Danser sans le sourire. Être autant détaché que peuvent l'être les machines qui produisent cette musique tout en laissant transparaître une émotion aussi fine que bouleversante à travers la voix, une nouvelle fois, impeccable de Marnie. Chanter des mélodies chou mais pleines d’amertume n’étant pas évident à accomplir.


Au final, Velocifero est un disque de dance. Mais une version assombrie et mélancolique de la dance comme pouvait l’être Doppelgänger. Bien plus qu’une simple réactualisation de la synthpop des années 1980 qui est largement modernisée ici (quel doux euphémisme). Cependant, si une comparaison doit être faite, elle ne peut l’être qu’avec Depeche Mode. Seule entité dont la qualité des mélodies et des voix peut pousser au rapprochement.


A ce sujet, il est amusant de constater que la dernière sortie digne d’intérêt des hommes de Basildon date de la même année que la parution de Witching Hour. Le skeud qui a tout changé dans l’histoire de Ladytron…
Il faut croire qu’un passage de relai s’est effectué à ce moment-là, puisqu’ils ont perdu clairement quelque chose dans leur dernières créations qui peinent à se montrer à la hauteur de leur grandiose passé.


Désolé Dave et Martin, c’est désormais les femmes qui mènent la danse dans le domaine de la pop sombre et synthétique. En plus, c’est bien parti pour durer !


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
9
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Créée

le 24 nov. 2015

Critique lue 118 fois

2 j'aime

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