Après trois ans de terrible attente pour les inconditionnels de la relève de la chanson française suite au monstrueux La Superbe, qui lui avait permis d'atteindre la maturité artistique une bonne fois pour toute et de s'imposer enfin sur le devant de la scène, Biolay revient avec une nouvelle pochette hideuse.
BB, on le sait, a toujours eu le talent de nous offrir une entrée en matière spectaculaire en nous en mettant plein les oreilles dès la première chanson, mais hélas, avec Aime mon amour, on voudrait plutôt faire demi-tour, et vite. Où est passée l'instru qui claque, l'orchestre magistral qui donne des frissons et les paroles qui résonnent dans la tête ? A la place, on subit une instru fouillie, avec un mélange des genres qui fait saigner des tympans. Cherry on the cake, certains mots sont noyés dans la cacophonie, et les phrases compréhensibles sont des pavés dans la vase ; sans aucun sens, d'une fadesse jamais rencontrée avec Biolay. On en arrive presque à se demander si BB Blondes ne s'est pas transformé en BB Brunes.
Triste constat au bout de quelques pistes, on s'emmerde. La poésie de l'artiste semble s'être envolée, et plus rien ne semble percutant. Pire, on ne retient même plus les paroles, ce qui faisait pourtant la force de Biolay, qui réussissait à nous faire retenir les paroles de ses chansons avec une seule écoute (Padam sur La Superbe, Bain de sang sur Négatif, Dans la Merco Benz sur Trash Yéyé...), tant celles-ci semblent insipides.
Comme je l'ai déjà dit, dès la première piste, l'instru part en vrille et provoque une anarchie désagréable qui fait perdre toute ampleur à la chanson, et le reste de l'album n'est pas épargné. Heureusement certains morceaux semblent avoir échappés à la tronçonneuse et sont donc appréciables.
Point important, ce que je n'aime pas dans les albums, c'est les duos. Je perçois les duos comme des chansons impersonnelles (pas tous, bien sûr, les duos de BB avec Jeanne Cherhal sont mémorables pour ne citer qu'eux), où l'on ne peut pas se concentrer uniquement sur l'artiste et apprécier sa prestation, et à mon grand désespoir l'album en est truffé. Ainsi, on subit pas moins de sept duos sur quinze pistes, trop pour que l'album soit vraiment personnel, à l'instar de Lulu Gainsbourg qui avait flingué son album entre autres à cause des duos à foison. De plus, BB s'entoure hélas d'"artistes", dont Julia Stone, ou encore Orelsan, mais aussi d'artistes, comme le grand Carl Barât ou le très bon Oxmo Puccino (qui pourtant nous livre ici une prestation assez banale).
Enfin, Biolay s'essaie au rap, aussi bien en s'en inspirant pour ses compositions que pour son chant. Fallait pas. Un dandy avec une voix de tabago, ça ne chante pas du rap, ça n'en a jamais chanté, et ça n'aurait jamais dû en chanter. Catastrophe auditive qu'est cet essai, cette expérience de savant fou, qui massacre tout ce qui existait de plus beau chez l'artiste, torture vos oreilles, fouette votre affection pour l'artiste, et provoque la stérilité. De plus, BB a le malheur de s'associer avec le Robin du rap français, Orelsan, pseudo-artiste overhypé de ces méconnaisseurs du rap, crachant ses lyrics comme un vieux chat de gouttière plus pour impressionner les gamins que pour faire passer un message.
Heureusement, quelques chansons sont à garder, comme Belle époque, qui nous livre une instru old school très cool, avec des rimes faciles et des paroles concons faites exprès, ou Le sommeil attendra, dernier vestige de l'âme de Biolay aussi bien au niveau composition que paroles (sauf le refrain, qui pêche) avec des "Wooh wooh" kitch & cool.
Benjamin, je dois te le dire, t'as déconné. Le rap fallait pas, l'anarchie instrumentale et les grésillements intempestifs non plus, les paroles vides encore moins. Artiste déchu, colosse aux pieds d'argiles, ou écart de conduite ?