Dès que Noir Désir émergea à la surface médiatique avec le simple, "Aux Sombres Héros De L'Amer", cela provoqua comme un malentendu quant à la perception que l'on put avoir du groupe bordelais : un autre groupe apte à gagner le classement du Top 50 avec des membres romantiquement ténébreux emmenés par un Bertrand Cantat coquet et poétique chantant une chanson de marin perdu. Wouaw, qu'il était beau comme un Morten Harket le Bertrand ! Ces quatre bordelais se révélèrent être réellement d'intègres entêtés décidés à contourner les embûches des passages promotionnels obligatoires, notamment télévisés, qu'ils n'appréciaient guère.
La découverte de ce premier véritable album de Noir Désir se fit personnellement à rebours, après Du Ciment Sous Les Plaines, au moment où celui-ci vint enrichir ma discothèque grandissante et plus ou moins idéale de ma petite vie de mélomane.
Quelle aurait été la surprise si Veuillez Rendre L'Âme (À Qui Elle Appartient) avait été acheté en temps et en heure ? "À L'Arrière Des Taxis" déferle comme une vague et nous cueille sur le rivage avec son rythme vivifiant où le son de la guitare de Serge Teyssot-Gay nous submerge dans ses riffs noyés. Cantat évoque pas mal de noms restés étrangers à tous les non érudits qui ne se donnent pas la peine de plonger dans les flots lyriques et iodés. "Le Fleuve" est d'un magnétisme puissant et tourmenté, entre blues et new wave planant, hanté par un chant de cétacé émis par le violon de François Boirie. Un coup de blues qui transporte vers un rock rageur qui fait boire la tasse.
Je ne vais pas évoquer tous les titres mais si l'on arrive à nager plus loin, sans la peur de la crampe, les écueils de "La Chaleur" et de "Les Écorchés" offriront le plaisir d'aller de Charybde en Scylla pour rendre visite aux âmes sombrées. Tout ça avant le diptyque "Joey I et II", forme de récit de western poisseux.
Un disque qui est toujours habité.