Il était difficile de décrire la musique d’Ultravox avant Vienna, une sorte de Glam un peu Punk dont le fait d'armes le plus connu fût « Hiroshima Mon Amour » sur leur second album « Ha!-Ha!-Ha ! » sorti en 1977, considéré par certains comme le premier morceau Synthpop britannique. L'album suivant « Systems of Romance », produit par l'allemand Conny Plank, continue à être précurseur dans le genre mais tout comme moi, il a laissé indifférent le public et faute de succès commercial, Island Records préférera casser le contrat. Le guitariste Robin Simon et chanteur (leader?) John Foxx se barreront, laissant les trois membres restants un peu paumés ; Billy Curie (piano, synthé, violon… oui, oui, violon), Chris Cross (basse) et Warren Cann, un pionnier en matière de boîtes à rythmes.
Le vague à l'âme, on les retrouve au Blitz Club où Billy Currie rencontre Midge Ure, pour qui il a joué sur le premier album de Visage, d'autres « New Romantics ». Il s'avère que Midge, en plus d'être fan d’Ultravox, est chanteur et guitariste… Ça matche ; Midge va pouvoir tester son envie de mélanger Rock et Electronica, envie qu'il n'arrivait pas à totalement partager avec les autres membres de Visage. Chaque personnalité d’Ultravox a une certaine connaissance des synthés, boîtes à rythmes, sampling, chacun se partage à part égale l'aspect créatif et pécuniaire (contrairement à la période Foxx) et leurs jams ressemblent à de grandes expérimentations excitantes (en tout cas pour eux), de combinaisons d'influences afin de trouver leur identité et livrer leurs premiers titres : « Astradyne », « New Europeans », « Mr X »…
« Astradyne » est une belle intro, loin d'être épique mais qui s'écoute comme un bel appel au voyage. « New Europeans » sort les guitares, typiquement New Wave, avec ce rappel de leur influence principalement européenne. « Mr X » (sur lequel John Foxx avait travaillé) le prouve avec son aspect très Kraftwerk, en un peu moins prenant, on sent la longueur… L'album est d'ailleurs à nouveau produit par Conny Plank. Son premier single « Sleepwalk » est leur premier à rentrer dans les charts, une rythmique enlevée dans la pure tradition Synthpop. Le troisième single éponyme « Vienna » perce jusqu'à la seconde place, achevant de faire du LP, un classique.
Ce tube détonne mélodiquement par rapport à la monotonie des compositions entendue chez le groupe depuis là, presque d'inspiration classique, quelques mots romantiques sur un Amour d'été, Vienne n'étant à la base qu'une ville prétexte mais allant finalement de paire avec le style « New Romantics », entre mystique et gothique, le groupe posant d'ailleurs sur la pochette à côté d'une tombe iconique du cimetière de la ville.
Pourtant, leur label Chrysalis n'avaient aucune confiance en ce titre, selon eux trop long pour les charts, six minutes… Ils lui préféreront le titre « Passing Strangers » qui bidera, typique de ce qui me gène dans cet album, à savoir le côté kitsch de synthés rejouant certaines mélodies vocales en fond. D'autres reprocheront aussi le son rigide, mécanique et déshumanisé du groupe… C'est quelque chose qu'on peut reprocher à une bonne partie du mouvement Synthpop, il suffit d'adhérer ou non. On ne pourra néanmoins pas nier que Midge Ure a apporté de l'émotion, une licence dramatique au groupe, « chaque piste était pour un film qui n'existait pas » dira t-il.
Chrysalis croyaient tellement peu en l'album que la moitié des vidéos promotionnelles ne sont que des lives filmés lors de prestations publics. Ils auront à faire leur mea culpa, Vienna relancera la carrière d’Ultravox. L'album n'est pas parfait, il est encore dans un entre-deux expérimental entre ses ambitions « New Romantics » et leurs restes Punk désincarnés, à la recherche de la beauté dans une certaine froideur synthétique. S'ils rendront leur patte un peu plus naturelle par la suite, c'est dans cette imperfection que résidera l'intemporalité de Vienna, en tant que point d'orgue de leur discographie.