Vous connaissez cette frustration quand, à l'écoute d'une musique, une note ou une harmonie ne tombe pas de la façon dont vous l'imaginiez, dont vous l'espériez ? Il y a quelque chose de l'ordre du surnaturel dans cette expectative déçue. Généralement, cela se produit à l'écoute de morceaux plutôt récents, la musique dite "classique" parvenant je crois davantage à satisfaire nos désirs cachés en usant de la surprise - de "l'improvisation" - pour combler notre sens auditif.
Voice, c'est l'album qui tombe juste tout le temps, mais qui parvient en même temps à conserver l'impression de surprise qui se dégage de toute oeuvre dont la puissance créatrice excède tout ce à quoi on peut s'attendre. Hiromi Uehara signe ici huit compositions originales jouées avec le fabuleux Anthony Jackson à la basse (à six cordes) et le surprenant Simon Phillips, ancien batteur du groupe Toto. L'harmonie qui se dégage de leur jeu commun est presque irréelle, tant elle est parfaite. Ici pas de dialogue, mais une coordination de tous les instants au sein de compositions sophistiquées, menées par le doigté angélique d'Hiromi Uehara. On en vient à oublier les instruments pour se faire porter uniquement par les mélodies et les accords tous plus inventifs les uns que les autres.
La pianiste combine parfois le piano et le synthé pour ajouter de la folie dans son jeu déjà haut en couleurs. Dans un style aussi bien survolté que délicat et groovy, Hiromi nous offre en permanence la preuve de son talent exceptionnel mais également de sa sensibilité hors du commun. Un sans faute absolu, qui s'écoute et se réécoute à n'en plus finir. Et pour finir l'album, une reprise de la sonate pour piano n°8 de Beethoven, réarrangée de la plus belle des façons...