Nombreux sont les grands airs de classique inspirés par les textes sacrés. La musique contemporaine perpétue cette tradition, et même de façon étincelante pour certains compositeurs. D'autres préfèrent chercher l'inspiration dans des textes plus modernes, et essayer d'en extraire une nouvelle beauté. On peut tâtonner du côté de la philosophie, comme l'iconique Proverb de Steve Reich, où la polyphonie sublime une maxime de Wittgenstein. Max Richter, dans Voices, a porté son choix sur la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Pourquoi pas ? Quand on connaît Richter, on se dit que le sujet est parfaitement en adéquation avec son univers post-minimaliste, un peu naïf, flottant, ému, hypnotisant.
Et effectivement, ce double album me plaît. Enfin, ce "faux double album", étant donné que le second n'est que la version instrumentale du premier. Néanmoins, j'ai quelques réserves qui ne me permettent pas de dire que ce travail est au niveau de Memoryhouse, son premier album, ou encore sa recomposition des Quatre saisons de Vivaldi, notamment à cause de l'utilisation de samples non-musicaux. Cela me refroidit souvent dans le contemporain.
Pourquoi abandonner le chant ? Pourquoi simplement superposer une lecture sur une mélodie, et ne pas les mêler jusqu'au bout l'une à l'autre ? Je trouve cette démarche doucement paresseuse, puis ajoutant une solennité quelque peu puérile. D'ailleurs, la version instrumentale fait office d'aveu à mon sens. Les samples se révèlent en fin de compte inutiles à la musicalité de la composition, ce qui est fort dommage. Qui plus est, en écoutant les instrumentaux, la frustration n'est pas moins grande, car, dénués de leurs samples, on prend conscience que certaines parties platement composées n'ont indubitablement pour but que d'accueillir une simple lecture.
Je pourrais faire un second reproche quant à la prédominance de la langue anglaise. En effet, Richter, voulant mettre en musique les célèbres passages du texte le plus traduit au monde, fait le choix de sampler diverses traductions de ce texte. Je n'ai pas tout reconnu, mais je crois qu'on y trouve le français, l'espagnol, l'arabe, le mandarin, l'allemand, l'hébreu, le japonais, etc, etc. C'est une très belle idée. Seulement, l'anglais écrase toutes les autres langues, au motif - je suppose - que Richter veut nous faire méditer la Déclaration universelle, et donc, logiquement, priorise la langue la plus parlée. Mais alors pourquoi avoir mis d'autres langues ? Vraiment, ça m'échappe. Pourquoi utiliser un sample en mandarin comme brouhaha, pour en définitive le balayer avec un anglais bien distinct et audible ? Comment méditer un idéal où tous sont égaux si les langues ne sont pas également traitées dans la composition ? De plus, cela aurait pu rehausser, peut-être, la maigre musicalité apportée par les lectures...
Bon, quand je me relis, je me donne l'impression d'avoir détesté l'album. Mais que nenni ! Des temps forts, il y en a ; l'ouverture et la fermeture, All human beings et Mercy, entre autres, qu'on entendra probablement souvent, au même titre que November et On the nature of daylight, deux de ses classiques. Le reste des titres à ses transcendances aussi, faisant penser aux meilleurs moments de Three Worlds: Music from Woolf Works... En somme, c'est encore un beau projet ajouté à la discographie de Richter ; mais l'intention, très grande, dépasse sa haute réalisation.