La critique pourrait s'arrêter sur cette citation de Faut Que Je Fasse.
Elle pourrait s'arrêter ici tout simplement car c'est une parfaite synthèse de ce qu'est Vréel 3 par rapport à ses prédécesseurs, une sorte de contre-pied et de désamorçage de ce qu'il a produit depuis Freebase 1.
"Mon talent c'est une épée de Damoclès"
Ce désamorçage, il se traduit d'abord par une grosse présence de sons proches de la musique électonique.
En regardant plus loin dans sa discographie, on sait que Kekra aime l'Angleterre et est proche de ce son grime, 2step et uk garage, du remix de Skepta à des sons comme 9 milli. Mais s'ils se faisaient rares, dispatchés ici et là, ils se font beaucoup plus présents sur Vréel 3.
Le sons "londoniens" sont diversifiés, on passe de morceaux très dansants à Tiekson ou Sans Permis à des morceaux beaucoup plus rentre dedans, à l'instar de Pas Millionné. Des sons très bons, qui permettent à Kekra d'installer une DA plus large que simplement celle du trappeur perfusé aux sons d'ATL.
"Mon son fait le tour de tous les blocs
Mon son fait le tour de tous les blocs"
Internet réagit très, voire trop rapidement, et a tendance à juger rapidement un projet. Parmi les nombreux avis émis ici et là, un argument en particulier me revient en tête : Kekra à fait un album de zulu.
Inutile de se voiler la face : le disque est moins dur qu'un Freebase 1 ou 2. Sur ce point-la, il est difficile de nier. Mais c'est une facette du disque. Un univers. Car les sons plus axés trap sont encore là, toujours présents sur le projet. Poches Pleines, Envoie La Monnaie 3.0, TLB ou Eaux Troubles en sont la preuve, mais surtout, DISTANCE est à lui seul la démonstration par a + b que les sons traps, mêmes moins nombreux, sont plus efficaces que jamais.
L'instru. Les intonnations de Kekra. Mais surtout, le flow est sur ce son la preuve qu'il est essentiel, encore plus que sur les autres projets.
Des morceaux finalement encore très "rue" et qui, à mon avis, plaisent encore aux gens qui seront, peut-être plus tard des proto-puristes de Kekra.
Pour parler très rapidement de lyrics, c'est comme Vréel 2, mais avec des références encore plus pointues et toujours des éclairs de génie à travers une vie de bicraveur à Courbeach.
"Lyrics bres-som mais l'son rayonne"
Et puis, au final, il y a le morceau de l'album.
Ce morceau, Proprement Dit, très dansant, plus du tout trap ni très grime, plus électro, est la clef de voute permettant de comprendre le pourquoi du projet. D'autres morceaux sont dans cette veine, mais il s'avère que ce morceau en particulier est encore plus intéressant que les autres, car il reprend tout ce qui a été posé avec Vréel 2 pour l'améliorer.
Personnage récent dans le paysage rap français, très underground (Twitter n'est malheureusement pas représentatif de la vraie vie), charbonnant depuis 2 ans, Kekra ne connait qu'un succès d'estime. Ayant compris le potentiel des sons comme 9 Milli, ce dernier a dû se dire, tout simplement, que s'il voulait perdurer dans le rap, il fallait s'ouvrir, non pas humainement - car l'exposition de Kekra à d'autres rappeurs reviendrait à le tuer purement et simplement - mais musicalement. Même à une époque ou le streaming permet de "vendre" (mdr) énormément, les sons trap, très durs, comme ceux de Freebase 1, durant parfois plus de 5 minutes, ne permettent pas de vendre. Charbonner est une chose, l'esclavage post-moderne à la solde de Spotify et autres twittos en manque de sensations en est une autre.
Si les morceaux comme Sous La Veste ne paient pas, les sons grime ou "éléctro" - toutes proportions gardées, on est loin d'un truc putassier tah EDM de ienclis - peuvent rapporter des sous, et s'il en est ainsi pour Kekra, le rap ne s'en portera que mieux.
La DA de Kekra tend vers des morceaux plus "pop", ou en tout cas plus ouverts, mais les morceaux étant clairement originaux en France et très bons, il aurait tort de se priver simplement pour retourner vers un rrainté qui ne paie pas.
Malgré ça, j'entends tout à fait la critique sur le fait que l'album est "trop long".
L'homme au masque ne jetant à-priori aucun morceau, le tri n'existant pas, les albums qui sortent sont longs, en effet. Un 18 titres, avec autant d'ambiances différentes risque de perdre l'auditeur qui ne se consacre pas pleinement à l'écoute du skeud. Dommage pour un projet aussi ouvert, de risquer de perdre autant de futurs fans potentiels.
"J'ai peu d'avance, la concurrence a trop dretard
J'écoute pas drap français, désolé au revoir"
Il y a 6 mois, j'écrivais deux trois lignes sur Vréel 2, en attendant de voir le futur. Kekra n'a pas vendu beaucoup, mais il a élaboré les bases de ce qu'allait devenir Vréel 3. Pas de calcul, que de l'instinct, mais cet instinct lui a permis de créer un vrai personnage, et surtout, lui a permis de trouver sa DA, entre proto-pop, grime et trap. En espérant que la gloire daigne, elle, retirer son masque.
"J'roule un gros tah, crache couplet comme un gros molard, okay
Tellement chaudar, flow corda lui vient d'autre part"