L'album très léger prend le contrepied de tout ce que Gainsbourg a fait. Très tourné autour du popotin, Gainsbourg renforce ses airs désinvoltes dans son pardessus de désabusé. Puis dans une bonne moitié des chansons, les morceaux s'avèrent crépusculaires ou à l'inverse très heureux. Ainsi "Je suis venu te dire..." restera l'un de ses hits. Ces variations nous donnent à observer une métamorphose.
Maintenant, l'album est pointé du doigt.
Est-ce que Gainsbourg aurait survécu à la vague MeToo ? Je ne sais pas.
En revanche, de ma connaissance, il se serait transformé, il aurait été provoc. Il n'aimait pas trop le désordre et cultivait les bonnes mœurs au milieu des irrévérences.
Je ne lui connais pas de gestes déplacés. Au contraire, lui il faisait plutôt état de ce que faisait les autres, à commencer par Michel Simon.
La plupart des chansons de Gainsbourg sont fictives et dans beaucoup aussi, il joue un abruti fini, un aliéné.
Titicaca est une chanson sur un air rigolo, elle est carrément anecdotique, sibylline et pleine d'humour noir : il y évoque une femme très belle mais qui lui fait la misère, le genre "attachiante". Les chansons, la littérature existent justement pour fantasmer, pas pour faire état d'une opinion sur les violences conjugales. Gainsbourg a donné très rarement son opinion et quand il le faisait, il mettait tout le monde d'accord (même au sujet d'Israël !).
L'autre chanson, "C'est une poupée qui fait", est très personnelle, c'est sûr, mais il interroge justement une ambivalence : sa petite fille est une future femme et, dans des parallèles ambivalents, il chavire pour d'autres raisons que pour ses pulsions. Il découvre d'autres pulsions, dont celle d'être père.
J'en dis que si Charlotte et Jane avait eu quelque chose à dire à ce sujet, elles les auraient dites car l'un des plus beaux hommages que Gainsbourg ait fait aux femmes de son vivant, c'est d'avoir aimer et inspirer des femmes qui n'ont pas à rougir de leur indépendance.