Encore une fois, Gainsbourg change de musicalité. Mais cette fois, cette musicalité restera à jamais comme celle d'un seul album, et cet album-là sera son plus personnel. Celui qui lui ressemble le plus; Il vient de frôler la mort (pour changer), il a perdu son père et gagner sa fille la même année, l'échec de "Melody Nelson" noie le succès de "Je t'aime moi non plus"... Dans cette vie artistique hors-normes, "vu de l'extérieur" peut être le pont entre tous les albums en un sens, tout en étant le parfait milieu de son œuvre. Je tiens quand même à préciser que je considère pas ce disque comme étant un album concept, contrairement à d'autres dans sa discographie: on le démontre en disant qu'il parle quasiment que de rupture et qu'il utilise des titres scatologiques pour ses chansons. Certes, et après ? Peut-on réellement dire qu'elles se joignent ensemble ? Bien sûr que non, elles vivent toutes par elles-mêmes. Sinon, il y aurait beaucoup plus d'albums concepts que l'on pense. Ça s'appelle l'inspiration de l'artiste, elle varie selon la période de la personne. Et Gainsbourg à ce moment-là flippait de perdre l'amour comme la vie.
Bien sûr, "je suis venu te dire que je m'en vais", titre exceptionnel. Il aura été rarement aussi romantique. Même si j'aime pas les larmes de Birkin à la fin, qui ne m'ont jamais émeu, les paroles sont un grand hommage à Verlaine et la musique est extrêmement agréable. On note alors qu'il répète deux fois le même texte (j'ai jamais été fan de ce procédé, surtout avec lui, mais bon pour cette chanson je chipote pas). Il le refait avec "vu de l'extérieur", où il ne cesse d'inverser... l'ordre de ses vers. Il a écrit un texte de base, et sur 3 mn 30 et quelques, il les intervertit. Comme pour dire que tout ça n'a aucun sens, que c'est toujours la même chose. On notera aussi et surtout que l'utilisation du piano, sur tout l'album, est magnifique. "Panpan cucul" est une chanson gadget que j'aime vraiment. A prendre au second degrés, surtout quand on l'entend se marrer, lui-même ne se prenant pas du tout au sérieux. Mine de rien, c'est le seul géant de la Chanson qui s'est jamais permis ces fantaisies, de plus avec une telle virtuosité. "Par hasard et pas rasé" est plus délicat. Complétant la trilogie de la "visite impromptue" sur un adultère (avec "le talkie-walkie" et "flash forward"), sa musique est atmosphérique et son texte poétique. On ressent le narrateur blessé au plus profond de son orgueil et de sa sensibilité. "Des vents des pets des poums" a des paroles très moyennes, malgré la rime. Elle vaux surtout le coup pour l'entendre rajouter Manque pas d'air, celle-là, rigoler en chantant et enfin reprendre son "sérieux". "Titicaca" a une musique très sympa, une bonne idée de départ... Mais qu'est-ce qu'il a foutu au niveau du texte ? Pour ne pas s'embêter avec les rimes (!!!), il en invente par-dessus les mots. Ça fait un rendu qui m'a pas mal déranger. Toutefois, la fin est rigolote. "Pamela Popo" est très intime, avec simplement une batterie très discrète, une guitare électrique sensuelle et un piano rêveur. Gainsbourg nous décrit son strip-tease avec un plaisir communicatif. Tout est impec, jusqu'au dernier vers: Baisse sa culotte, petit négro... C'était pas nécessaire. "La poupée qui fait", malgré son texte un peu trop simple pour moi, est un hommage très touchant à sa toute fraiche Charlotte (pour une longue série difforme). "L'hippopodame" est excellente, et cette fois, Gainsbourg rit sur toute la chanson ! Comment lui jeter la pierre, c'est à se tordre de rire ! Très bastringue, l'ambiance ironise la situation avec délectation. "Sensuelle et sans suite" est une magnifique conclusion d'album, pleine de délicatesse, sans aucun jugement. Une superbe pépite.
Un des meilleurs albums de Gainsbourg ? C'est pas mon avis. Mais c'est incontestablement une prise de risque (les noms des chansons, sérieux, fallait le faire, et aujourd'hui encore !) et une réussite musicale qui ne peut qu'émerveiller. Qu'est-ce qu'il manque...