Se distinguant du renouveau psyché-pop, le quatuor Warpaint préfère évoluer en eaux troubles : un son à fleur de peau, une dark-disco qu’on découvrait en 2009 avec la sortie d’un premier EP percutant, Exquisite Corpse. Suivi l’année suivante de The Fool, premier album inaugural dont j'ai vanté les mérites. À l’heure de la dream pop à tous crins, leur son exhale une obscurité qu’on accueille comme un serum contre la superficialité.
Après le départ de Shannyn Sossamon, Stella Mozgawa a rejoint le groupe à la batterie pour arriver à la formation actuelle, et l’enregistrement de The Fool. Cependant, l’alchimie n’était pas encore parfaite au sein du groupe. L’arrivée trop récente de Stella ne permettait pas de refléter le magnétisme du live sur disque. Après quatre ans de tournées, une étape a été franchie pour le quatuor, qui fait preuve d’une maîtrise renforcée. Avec, aux manettes de la production, Nigel Godrich (Radiohead, Pavement, Beck…) et Flood (derrière To Bring You My Love de PJ Harvey notamment), l’ambiance se fait moins foisonnante, mais tout aussi passionnante.
Alors que The Fool évoquait les profondeurs aquatiques par des sons de guitares ondoyantes, Warpaint se veut beaucoup plus terrestre et minimal. La section rythmique est la gardienne de la boussole : sur Intro, un faux départ évoque la part de hasard induite dans toute création. Puis Keep It Healthy décolle avec la ligne de basse de Jenny Lee Lindberg et évolue vers un beat foisonnant, jusqu’au lapidaire et entraînant Love Is To Die, single de l’album. Il risque en effet d’y avoir quelques dommages collatéraux à ces démonstrations de charmes, manifestes pour un abandon total. C’est dans la férocité déterminée des voix de Theresa Wayman et Emily Kokal que se niche une sensualité instinctive qui s’épanouit vers la fin de l’album avec CC.
Quelques incursions nouvelles : un beat souterrain sur Hi que ne renierait pas Atoms For Peace, quelques réminiscences trip hop. Disco/Very reflète l’envie du groupe d’aller vers des morceaux plus dansants, avec une basse post-punk, mais ce n‘est pas forcément réussi. On préfère les pulsations de Feeling Right : parfait équilibre entre des voix aériennes et une rythmique bien ancrée dans le sol pour créer une urgence dansante. Love is to dance.
L’imprévisibilité devient la règle, et on ne relève pas de refrains faciles auxquels se raccrocher sur ces douze amulettes. Plutôt une succession d’émotions qui nous laisse le coeur exsangue mais palpitant.