Difficile de se douter du voyage sombre et malsain à la vue de la pochette du CD. Et pourtant, on se retrouvera comme dans une machine à laver, étouffé, projeté dans tous les sens, éclaboussé. En effet, Washing Machine est un album que j'ai toujours trouvé un peu à part dans la discographie de Sonic Youth. Je ne pourrais me positionner en fan inconditionnel du groupe, mais on est loin d'un Daydream Nation, bien plus recherché, d'un Goo ou d'un Dirty trop pop, ou d'un EVOL assez rock... On nage en effet ici en plein délire bruitiste !
Les premières notes de Becuz à la basse annoncent la couleur de l'album. Saturé à mort et inquiétante, vite rejointe par la voix désespérée de Kim Gordon, qui s'impose largement sur Thurston Moore pour toute la longue de la galette, et les sons étranges des guitares en arrière-plan. On se retrouve ainsi avec une montée de plus en plus angoissante (et parfaitement maîtrisée) jusqu'au subjuguant Washing Machine, morceau long de près de 10 minutes et noyé dans de longs passages instrumentaux complètement abstrait et flippant, le tout enrobé de la voix agitée de la bassiste et son entêtant "And I buy him a Soda-Pop".
On entre ensuite dans une phase d'accalmie avec Unwind, qui malgré ses sons torturés passerait presque pour une chanson pop. Pour Little Trouble Girl, c'est Kim Deal, des Pixies et des Breeders, qui rejoint son amie éponyme pour faire les chœurs avec ses "Shalala" d'une flegmitude sans pareille. Puis les choses repartent très vite avec No Queens Blues avec un Thurston Moore dérangé qui est à la limite de chuchoter au micro tandis que Gordon hurle des "NO NO NO NO" à glacer le sang. Et pourtant, tout ça ne semble être qu'une broutille face au morceau final, The Diamond Sea, qui prend la forme d'une baleine dans cet océan déchaîné. Commençant de manière paisible, on se retrouve vite à lutter sous des masses et des masses de distortion coulant ce qui restait encore d'espoir. Durant plus de 20 minutes, le groupe va nous essorer et finir par nous ressortir propre comme un sou neuf, mais définitivement marqué par cette heure épique.