Commençons par la conclusion, il est difficile de trancher si Washing Machine est un simple album de transition ou si il est le dernier "grand" album du groupe.
Cet album, assez structuré comme c'est le cas depuis Daydream Nation -apogée absolue du groupe-, voir Sister, annonce la décennie mélodique à venir, mouvement entamé par le sympathique et sous-estimé Experimental Jet Set trash and No Star.
Les albums à suivre posséderont leurs joyaux propres, mais c'est dans celui-là, peut-être, que le groupe nous offrira ses derniers morceaux sautillants sincères et fougueux, bref, le chant du cygne du "Youth" dans "Sonic Youth".
L'album commence ainsi par l'attaque rythmée de Becuz et les guitares se battent dans le fatras sonique pour se faire remarquer au milieu des invectives de Kim Gordon. Tout cela n'est déjà plus dans le tempo d'un Daydream Nation, même si Panties Lies reprendra la même formule dans un rythme plus martial. Becuz reviendra lui dans une version instru et apaisée le temps d'une courte pause.
Par la suite, l'album nous offre donc toujours ces fameux moments d'énergie sonique, je retiens en particulier Junkie's Promise (faux hommage à Cobain puisque le groupe a démenti cette hypothèse qui semblait évidente) et le progressif No Queen Blue qui finit dans un quasi solo de batterie rageuse, qui voit enfin sortir Steve Shelley de son rôle de métronome au service des confrontations du trio sonique, et nous donne comme jamais envie de taper sur tout ce qui est accessible.
Les chansons de Lee Ranaldo sont comme toujours immédiatement identifiables avec un style pop et lyrique inimitable au chant, que les expérimentations sonores -bruitistes et précises- habillent plus qu'elles ne se mettent en avant. Son unité de style à travers les décennies d'existence du groupe est assez incroyable, ses morceaux toujours efficace et bien placés (et oui, il y avait une place pour Genetic dans Dirty ! je suis avec toi Lee !)
Au milieu de ce terrain connu, pour ne pas dire conquis, les expérimentations mélodiques se multiplient et prennent déjà le beau rôle. Sonic Youth apprend ainsi la douceur sur The Diamond Sea (et étends le plaisir 20 minutes sans rallonger la partie chantée d'un couplet par rapport à la version single) et Little Trouble Girl (où Kim Deal ET Kim Gordon -sans doute pour la dernière fois- chantent correctement). Deux sommets de cet album ! Le Sonic Youth du futur se met en place précisément ici, en 1995, balayant la voix pour A Thousant Leaves, voir les expérimentations de Sonic Youth Recordings.
Les œuvres post-washing Machine seront définitivement moins punk -si on oublie les notes improbables émises par la gorge de Kim Gordon- et les révoltes adolescentes bien loin, mais il fallait cet album pour pouvoir 3 ans plus tard devenir le groupe de Sunday ou Hits of Sunshine. Quelques exemples de chefs d'oeuvres qui ne retireront pas ce goût amer que le groupe a entamé son chemin vers la BobMouldification.