Paru à l'origine sur www.sonotone.ch
Le débat autour du meilleur album de Sonic Youth (Goo? Sister? Daydream Nation?) a toujours nourri les retours de concerts à huit dans la voiture. Or c’est un faux débat, car Sonic Youth est un groupe qui ne marque véritablement au fer rouge que par le premier de ses albums qu’il vous échoit d’entendre. Il se trouve que, pour moi, ce fut Washing Machine – peut-être faut-il ajouter que j’avais l’âge boutonneux des deux ados sur la pochette, dont les gueules tronquées ont permis à tous les mecs de mon âge de s’y identifier, avec l’amertume et l’acuité de ceux à qui le modèle Jamiroquai ne convenait pas. Peut-être la rencontre magique de deux bassistes prénommées Kim (Gordon et Deal) au chant sur Little Trouble Girl y est-elle aussi pour quelque chose. Ou l’extraordinaire coup de gong final de Becuz. Ou la progression hypnotique des neuf minutes trente de la chanson-titre. Ou la (subséquente) miraculeuse douceur du début d’Unwind. Mais, surtout, l’épiphanie océanique de vingt minutes par laquelle The Diamond Sea clôt l’album, ouvrant ainsi la voie à un Godspeed You! Black Emperor entre autres. Une telle chanson est un miracle qui meublerait à elle seule tout un dossier. Que dis-je, les seules minutes 16 à 18, où pas une seule des nombreuses déflagrations de la guitare ne tombe à plat, mériteraient une encyclopédie en douze tomes. Evidemment, remplacez ce disque par votre album fétiche du même groupe, les éloges seront les mêmes. Quoique. Tout bien réfléchi, Washing Machine est objectivement, en fait, le meilleur album de Sonic Youth.