2010 : A Tribute Oddity ou quand les cendres d'étoiles dansent pour la bonne cause.
Une compilation hommage, c'est comme si les artistes étaient des élèves étudiant une page importante de l'histoire de la musique. Enfin, dans le cas de David Bowie, on peut parler de plusieurs pages ! Rendre hommage à David Bowie, c'est rendre hommage à Major Tom, Ziggy Stardust, au Duke, et à tous les visages et les identités de cette icône intemporelle. Oublions que ce soit pour l'association caritative War Child (pour laquelle avait déjà été édité une compilation en 2009 où apparaissait une intéressante reprise de Heroes par TV on the Radio) et concentrons-nous sur l'exercice de la reprise, celle qui consiste à faire renaître une chanson ancrée en nous pour lui insuffler une seconde vie avec la personnalité de celui qui s'en empare.
Cours : David Bowie
Alors on commence à faire l'appel ! Il y a les élèves bien connus : Duran Duran, Kerenn Ann, Etienne Daho, Carla Bruni, Megapuss (Devendra Banhart), A Place to Bury Strangers, etc. Il y a les absents qui ont pu pour diverses raisons décliner l'offre : MGMT, Nine Inch Nails, Radiohead. Et il y a les petits nouveaux : Warpaint, Ariana Delawary, Edward Sharpe & The Magnetic Zeroes, We Have Band, Chairlift, Vivian Girls etc. On l'aura compris, c'est aussi l'occasion de faire des découvertes. Inventaire empreint de tolérance et d'ouverture...
Les bons élèves:
La féminité est aussi puissante qu'envoûtante sur cette compilation. En y apportant un certain lyrisme, Ariana Delawary, la protégée de David Lynch, se montre enivrante sur Ziggy Stardust. Les Californiennes de Warpaint redonnent vie à Ashes to Ashes en conservant l'âme de l'originale tout en nous emmenant dans des sphères empreintes de sensualité. Très sage, Sister Canyon convînt avec Bewlay Crashing et là où Exitmusic mise sur un onirisme magnifié par une guitare très Interpolienne, Tearist enflamme Repetition, y apportant une sexualité insoupçonnée. Quant au côté masculin, All Leather livre un Fame sous acide percutant tandis que Megapuss s'éclate sur Sound and Vision. À noter l'excellente reprise de Look Back in Anger par Halloween Swin Team et de John I'm Only dancing par Vivian Girls. Leçon n°1 : La féminité réussit à Bowie, l'héritage d'une certaine androgynie sûrement.
Mention passable:
Malgré de bonnes intentions acoustiques, on finit par s'ennuyer ferme sur le Absolute Beginners de Carla Bruni. À travers un exercice shoegaze bien calfeutré dans leur zone de confort, A Place to Bury Strangers fait du A Place to Bury Strangers pour Suffragette City. Edward Sharpe & The Magnetic Zeros, un des meilleurs groupes présents sur cette compilation reste également sur pilote automatique (Memory of a free festival). Genuflex adapte la sensualité originale de Soul Love à une sauce électro à tendance cold wave sans en attendre cependant la force. On attendait beaucoup plus de Kerenn Ann, cette dernière noyant Life on Mars? sous une pluie de violons. Leçon n°2 : Adapter son style à une composition culte n'est pas la solution.
Les cancres:
Duran Duran ne se montre pas convaincant avec sa version dance club de Boys Keep Swimming. Papercranes fait de Blue Jean une ballade insipide. On cherche encore ce qu'Étienne Daho a voulu faire de Heathen. Lewis & Clarke vont jusqu'à pratiquement plagier le Changes de Bowie à la différence qu'ils gardent le rythme extrêmement lent tout au long du morceau, pas nécessairement une bonne décision. Leçon n°3 : Il n'existe pas de tribute sans échec.
La mention honorable:
Il y a un groupe qui surprend, paradoxalement parce qu'il est loin d'être le plus talentueux hors des frontières de cette compilation : We Have Band revisite ingénieusement Let's Dance au point de discerner une alchimie naturelle entre la composition originale et le groupe londonien. À base d'électro-rock à tendance tribale, la chanson se réincarne au sein d'un exercice de style maîtrisé et assumé. La belle surprise de cette tribute. Leçon n°4 : l'audace, c'est beau.
Appréciation générale:
David Bowie s'est souvent essayé à l'exercice de la reprise comme le montre particulièrement son album Pin Ups, aussi ne faut-il pas mal juger les groupes qui s'y tentent. Avoir pour objectif de faire mieux que l'original est vain. Le but est ailleurs (et on ne parle pas des fonds pour War Child). Car une reprise est avant tout un exercice de style, un terrain de jeu qui peut permettre à un groupe de s'éclater, mais aussi d'accroître sa notoriété en dessinant un chemin vers leur propre album, leur propre univers tout en éclairant le public sur leurs capacités. La réincarnation de la majeure partie de cette compilation vaut la peine d'y jeter une oreille et attendre que celle-ci vibre au son d'un des morceaux. Le processus d'écoute d'une telle compilation est simple : faire jouer l'album jusqu'à se qu'on se dise : « Hmmm... Intéressant ». Si vous hésitez encore, sachez que c'est le seul album tribute approuvé par Bowie.