Houston, nous avons un emblème

Si le rappeur de Houston Maxo Kream a sorti son troisième album un lundi, ça n’est pas pour, absolument, se démarquer des autres, c’est plutôt en raison de l'importance personnelle de la date. La sortie de Weight of the World le 18 octobre 2021 coïncide avec l'anniversaire de sa nièce Jalae, ainsi que l'anniversaire de la mort de son cousin Andrew.

Maxo se souvient aussi du 18 octobre comme de la date à laquelle son jeune frère - le père de Jalae, surnommé Money-Du- a raté l'un de ses concerts pour la première fois pour, justement, s’occuper de sa fille. Le sens des priorités.

Dans tous les sens, Weight of the World poursuit une tradition que Maxo a perpétuée depuis ses débuts en 2018 avec Punken et Brandon Banks en 2019.

"J'essaie toujours d'honorer ma famille dans ma musique", a déclaré Maxo et ça c’est d’une importance capitale dans la compréhension du personnage. Si Brandon Banks méditait sur la façon dont l'absence de son père pendant l'enfance l'avait conduit à rechercher des figures paternelles dans les “street hustlers”, Weight raconte une réelle croissance et un sens des responsabilités évident au moment où sa musique accumule des millions de flux Spotify. Il marque la transition de Mr Punken vers le soutien de famille et l'équilibre précaire entre vie professionnelle et vie privée qui en résulte.

À Los Angeles, où Maxo est basé depuis deux ans, sa vie brille plus qu'avant, après avoir signé avec RCA en 2017 et signé un accord de gestion avec Roc Nation en 2019.

Weight propose deux chansons où il espère inspirer sa ville natale de ce point de vue. L'une est "Believe", la conclusion édifiante de l'album avec son compatriote natif de Houston, Don Tolliver. L'autre est "Local Joker". Le clip dépeint le nouveau style de vie de Maxo avec des scènes mettant en scène un terrain de basket intérieur, doté de baies vitrées. Pendant ce temps, les paroles expliquent ce que l'on ressent parfois à la poursuite d'ambitions plus grandes que ce qui semble possible chez nous. Maxo lève les yeux au ciel alors qu'il rappe : "Tried to show them if I did it, they can probably do it bigger / But all we ever talk about is them same ol' b****** / and them same old stories and them same old figures."

Pendant quatre mois, Maxo est retourné à Houston avant de terminer Weight en décembre dernier. Il savait que le meilleur endroit pour puiser son inspiration serait chez lui. "Je vivais ma vie à Houston, une vie normale", dit-il. "En 2019, je venais de quitter la tournée au Royaume-Uni. Et après avoir voyagé dans les deux sens, je voulais vraiment m'poser et retomber sur terre, surtout après la mort de mon frère."

Le 9 mars 2020, Money-Du, qui laisse maintenant dans le deuil sa fille Jalae, a été mortellement abattu à Los Angeles, où Maxo cherchait à l'origine à échapper à son passé de trappeur. Le lendemain, Maxo a rendu la nouvelle publique sur Instagram, en déclarant : "Aucun mot ni aucune légende ne peut expliquer ce que je traverse." Deux jours après la mort de Money-Du, Maxo a revécu cette tragédie personnelle en enregistrant l'avant-dernière chanson de Weight "Trips". La chanson est un récit viscéral, presque à la minute près, de la façon dont Maxo a vu son frère mourir : "More than a half an hour waiting on the paramedics / spent another half an hour answering questions for detectives / fightin', screamin' / Lord Jesus, someone help him / gassed when breathin', he so helpless / barely breathing, now he breathless."

"J'ai dû [enregistrer la chanson le] le deuxième jour parce que sinon, elle ne serait jamais sortie. Vous n'auriez jamais eu la chanson", dit Maxo. "Je veux dire, c'est la seule chanson que je n'écoute pas. Je l'ai enregistrée pour que les gens puissent savoir, mais à part ça, je ne l'écoute pas."

Lorsqu'on lui demande comment la musique l'aide à comprendre comment il doit de plus en plus subvenir aux besoins de sa famille, y compris Jalae et son propre enfant en chemin, Maxo répond par un seul mot : "Argent".

"P***, rapporter de l'argent pour pouvoir payer les factures. C'est l'apport de manière légale. L'argent d'une manière légale est toujours bon", dit-il.

Cependant, ceci étant Maxo Kream, que Travis Scott considérait comme une figure de type Biggie avant que l'un d'eux ne devienne célèbre, la vérité ne peut jamais être aussi simple. Dans "Mama's Purse", Maxo sample le hit "Poppin' My Collar" de Three 6 Mafia, il parle de la façon dont sa mère volait des fringues FUBU pour son fils et comment il lui a acheté une Lexus dès que les affaires ont commencé à fonctionner. Ils se sont tous deux rendus coupables d'avoir essayé d'acheter l'amour de l'autre. Ce qui n’a pas empêché d’enterrer son frère dans une tristesse absolue. "Mama's Purse" montre comment la musique aide Maxo à fouiller les histoires familiales pour en savoir plus sur lui-même et comment il opère dans ce monde.

"P***, l'argent ne résout pas la merde", dit-il. "ça rend tout un peu meilleur. Mais nous sommes tous humains, nous vivons tous dans des contradictions. Vous direz une chose à vos enfants mais ensuite vous ferez le contraire."

Les fans semblent apprécier cette nuance. Dans le plus gros single de Weight , le triomphant "Big Persona", Maxo et Tyler,The Creator se vante des victoires aux Grammy et sirotant un Arnold Palmers. Pour le clip, Maxo est du côté passager d'une Rolls Royce, alors que Tyler s’amuse à brûler les pneus sur un parking d'un centre commercial.

Maxo et Tyler se sont rencontrés au début de l'année 2020 lorsqu'ils ont tous deux été présentés au Yams Day, un concert hommage en l'honneur du regretté co-fondateur d'A$AP Mob. Le résultat, "Big Persona", est la preuve que Maxo inspire le respect de l'industrie.

"Je ne pense pas que Tyler tourne trop de vidéos", dit-il. "Et puis d'avoir Tyler assis sur une valise Louis Vuitton ou faisant l’con avec un million de dollars en voitures juste là, F*** !”"

La musique de Maxo est trompeuse car elle laisse souvent flotter des sujets lourds sur des rythmes variés. Elle se présente comme une comptine moderne, une mélodie légère et sautillante combinée à des images de coups de couteau ou de fusillades. Les 808 et les synthés décousus pour lesquels Maxo s'est fait un nom ont toujours été actifs et prospères, mais Weight repousse ses limites. Sa voix se fait plus lourde sur des samples de Soul vintage sur l’intro “Cripstian” et le magnifique morceau qui suit “11:59”.

La basse et la guitare live apportent une nouvelle couleur et une nouvelle dimension à ses réflexions sur le cambriolage sur "FRFR" et la franche confession de son problème de drogue sur "Worthless".

L’album contient en fait, beaucoup de prods différentes, et même si son flow est sensiblement toujours le même (sa marque de fabrique), le secret pour garder chaque chanson si fluide et sans effort, quel que soit le sujet, réside dans le phrasé.

Il peut cuisiner quelque chose d'aussi compliqué que des amis qui se trahissent avec une phrase simple et intelligente. Il utilise souvent une narration fluide à la première personne pour parler d'une expérience traumatisante, soutenue par des références à la culture pop et des jeux de mots. Tout au long de ses 44 minutes, très peu de chansons semblent écrasantes ou déplacées, Weight of the world s'accompagne de nombreuses blessures à déballer, mais ça ne semble jamais trop sombre. Il y a toujours du plaisir et de quoi être reconnaissant dans le monde chaotique de Maxo. Cela témoigne de la vision croissante du rappeur.

Il supervise le champ de bataille de sa vie avec plus d'honnêteté et de maturité que jamais. “I’m bragging and bragging because it wasn’t supposed to last long,”, dit-il au début de “Whole Lotta”, résumant assez bien la philosophie de l'album.

L'amour de Maxo pour le rap et tout ce qu'il l'a aidé à réussir fait battre le pouls de “Weight Of The World”.

Pour tout ce qu’il a traversé, chaque membre de la famille qu'il a dû enterrer, chaque fois qu'il a dû regarder par-dessus son épaule, Maxo est reconnaissant d'avoir saisi toutes les chances et avoir su créer de la richesse pour sa famille et son entourage.

“Weight Of The World” est une tapisserie complexe de fierté, de trahison et de gloire hip-hop de Houston, où chaque aspect de la personnalité de Maxo s'intègre parfaitement pour créer une superbe déclaration personnelle de sa carrière.