Durant la première partie de sa carrière, David Bowie incarnait sur scène les personnages autour desquels ses albums étaient conçus : Ziggy Stardust en 1972 relayé ensuite par Aladdin Sane en 1973, Halloween Jack pour la tournée Diamond Dogs de 1974 ou encore le Thin White Duke de la tournée Isolar de 1976. Comme si le chanteur ne pouvait exister face au public que grâce à des alter-egos artificiels et grandiloquents. Lorsqu'il se lance dans la tournée Isolar II en 1978 pour la promo de Low et "Heroes", parus l'année précédente à neuf mois d'intervalle, pour la première fois depuis qu'il est célèbre il n'adopte aucune autre identité que la sienne, profitant en quelque sorte de la gloire posthume de ses précédentes incarnations. Ce qui est très malin.
La tournée emporta un très gros succès à l'époque et les albums pirates firent la joie des bootleggers, au grand dam de RCA, qui sortit précipitamment en septembre 1978 un double-album live un peu bancal, Stage. Une compilation absurde de titres enregistrés en public en avril-mai à Phliadelphie, Boston et Providence et agencée en fonction des albums dont ils sont issus.
Résultat : de bons titres, mais pas d'ambiance (pour plus de détails, lire ici : https://www.senscritique.com/album/Stage_Live/critique/68703972).
Welcome to the Blackout, qui sort officiellement quarante ans plus tard, a en revanche le grand mérite de présenter un concert-type de la tournée, d'après les soirée des 30 juin et 1er juillet à Londres qui marquèrent la fin de la tournée européenne. Si l'on fait une comparaison directe entre les titres de ces deux albums, la qualité d'interprétation est très proche, et les deux disques se valent quasiment. Ce qui prouve au passage - si besoin - la qualité professionnelle des musiciens. Mais les quelques différences qui subsistent malgré tout, sont à l'avantage du live anglais. Seule, "Station to Station" est meilleure sur Stage. La longue intro de la version figurant sur Welcome to the Blackout, qui vire parfois au n'importe quoi, peut en effet s'avérer pénible. On pourra également s'étonner de la fin abrupte de "Stay" et de son curieux enchaînement avec "Rebel Rebel". Dernier point, même si depuis 2005 Stage a été remanié pour correspondre à la set-list d'origine et augmenté de quelques titres ("Be my Wife", "Stay" et "Alabama Song"), Welcome to the Blackout est plus exhaustif (incluant également "Jean Genie", "Suffragette City", "Rebel Rebel" et "Sound and Vision" - on pouvait déjà trouver cette dernière sur RarestOneBowie, le pirate de 1995).
Au bout du compte, si Stage et Welcome to the Blackout sont désormais deux albums très proches et redondants l'un par rapport à l'autre, et s'il faut choisir entre les deux, le second est certainement le plus intéressant : les titres sont extraits de deux concerts successifs ayant eu lieu au même endroit, la set-list est complète (les morceaux sont plus nombreux) et l'ambiance est plus chaleureuse (les interventions de Bowie entre les morceaux sont préservées). Le témoignage proposé est donc beaucoup plus fidèle et fleure mieux l'authenticité que le premier, assemblé d'après trois soirées différentes en trois villes différentes et dont certains morceaux sont absents, malgré les ajouts ultérieurs.